Par Claudio
Sa couverture, d'un vert éclatant, rappelle les livres de la littérature jeunesse, tandis que son illustration peut faire penser à un roman chick lit. À vrai dire, Brigitte des colères n'est pas un livre pour la jeunesse, pas tout à fait pour adulte non plus et encore moins de la chick lit. Ce premier opus de Jérôme Lafond raconte l'histoire d'une adolescente à la personnalité complexe, éprise de musique dodécaphonique et du cinéma de Fellini, qui évolue dans une banlieue où tout va manifestement moins vite que dans sa tête. L'esprit corrodant mais le coeur amical, Brigitte subit les contradictions et les agitations de son imagination débridée, en plus de négocier avec une répulsion face au monde et à sa mère. La plupart des scènes se passent à l'école Saint-Scholastique et à la maison de l'héroïne. Entre ces deux lieux, elle retrouve son amie Karine pour un projet filmique, ainsi qu'Antoine, le garçon qui l'aime d'un amour sans réciprocité.
Aux premières pages, une série de meurtres agite la petite municipalité. Ces crimes incitent l'adolescente à correspondre avec le tueur, là où s'intègrent et se jouxtent des paragraphes d'un verbiage frisant l'incohérence et qui donnent au lecteur l'impression de suivre une histoire sans queue ni tête. Heureusement, les choses s'ajustent sensiblement au fil des pages et la narration atteint finalement un rythme plus confortable.
Malgré une histoire pleine de charme et des personnages sympathiques, ma déception principale vient du fait que mon désir de connaître plus profondément l'héroïne est resté inassouvi, ou presque. Qui est-elle réellement? me demandai-je souvent. Ce n'est qu'à la fin que s'ouvre l'antre de la conscience de Brigitte, qu'elle s'incarne parfaitement, s'échappant de son monde chimérique pour enfin nous convaincre de ce qu'elle est, ce qu'elle vit et pourquoi. Cette force de conviction dans le récit aurait simplement dû s'opérer un peu plus tôt.
Certaines tournures stylistiques illustrent un univers saisissant, par exemple : « À la mort de l'un des nôtres, nous brûlerions son corps au pied de la statue de l'homme d'érable et chanterions des cantiques d'inspiration celtique en nous tenant par la main. Je prônerais l'amour du surhomme et le non-respect des sous-hommes. Nous aurions notre propre école et je serais l'auteure de tous les manuels scolaires. J'enseignerais que l'homme descend de l'érable et non du singe. ».
Ce roman au style d'écriture simple et juste n'est pas dénué d'intérêt. Dans l'ensemble, les personnages sont portés par une discrétion certaine, signe du mal de vivre qui les atteint. C'est sûrement eux qui donnent au livre une certaine homogénéité. Certes, les images truculentes sorties tout droit de l'esprit de Brigitte auraient pu simplement mieux servir la narration, mais néanmoins, c'est un livre qui se lit sans effort.
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