Extrait fiction - Extrait fiction - Extrait fiction
Il était penché vers moi quand j’ai ouvert les yeux. Il n’avait pas osé prendre ma main, mais sa patte d’ours déposée près de la mienne sur le drap d’hôpital irradiait jusqu’à ma paume coupable. Il n’a d’abord rien dit, il souriait – il sourit tout le temps. Il hochait de la tête, mimique amusée, comme s’il m’avait pris en flagrant délit d’enfant. Ce n’était pas la réaction appropriée, mais je n’y ai pas trop songé. J’ai répondu à son sourire, entubée, le vert aux joues.
Il a hoché la tête une autre fois. Et quand sa voix craquée a percé dans l’air de l’urgence, il n’y avait rien à dire.
- Qu’est-ce qui t’arrive?
Ça me semblait compliqué à exprimer, au cœur de l’action, avec toutes ses envies de pleurer, ses poussées de sel millénaire qui tissaient la fragilité de ma vie.
Il n’y avait rien à répondre à ça et entre un spasme et un haut-le-cœur rien de ce que je pouvais dire ne me semblait porteur.
- Tu l’aimes à ce point-là?
C’était une autre digne tentative, aussi peu convaincante. Ce n’était pas le moment pour philosopher de l’amour qui n’existe pas, qu’il ne s’agit jamais d’aimer ou non, qu’il s’agit de bien plus que ça, de sens ou non, d’une existence édulcorée qui chaque nuit meurt doucement dans un orgasme simulé. Je me suis demandée s’il avait déjà posé cette question à une patiente. Bien sûr que non, cette question n’avait aucun sens, il le savait, je le savais. J’étais verte, les draps verts, les murs pâles, les néons castrateurs, et j’en étais pas là pour mon amour raté, ni pour mon incapacité à jouir sans souffrir, j’étais là pour bien plus que cela, et il avait toujours su, comme moi, qu’on s’y rendrait, non pas main dans la main, mais dans notre impossibilité réciproque à se toucher.
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