Ces jours-ci, je lis des bouquins plutôt arides. Comme j'avais rendez-vous près de l'Araignée de Louise Bourgeois, j'ai glissé mon bouquin dans mon sac. Hésitation... Trop aride pour répondre à mon attente. Trop aride aussi pour répondre à l'inévitable question "Qu'est-ce que tu lis?". Trop aride et pas assez "style".
Bah oui, voilà! Le mot est dit. Qui, d'abord, est à l'abri de ses propres schèmes, de cette image qu'il souhaite porter dans une occasion X ou Y. J'ai sorti le livre de mon sac et j'y ai glissé le premier recueil de poèmes sur la pile recueil-de-poèmes-pas-encore-lus. Fragments de Sifnos de Claire Rochon. Ça cadrait mieux.
Mise en situation:
- Qu'est-ce que tu lis?
- De la poésie.
N'allez pas croire que je sous-entends que je lis de la poésie juste pour faire "style", c'est juste qu'à ce moment ça faisait exactement le genre de "style" que je recherchais. Une contenance poétique. Voilà!
Bon! personne ne m'a demandé ce que je lisais, donc la mise en scène n'a servi à rien. Mais c'est sans importance puisque les rencontres ont eu lieu.
***
Pendant que j'attendais, pendant que la lumière étonnante, franche et douce à la fois, baignait la place. Je lisais ceci...
Dans l’infinitif du temps, conjuguée à rien, dans l’abstinence de ton nom, je me suis levée devant le lit vide, avec des gestes lents et graves, et de longues pauses où rien n’arriva que l’air et le noir sur la chair. J’ôtai un à un mes vêtements, pour voir à quoi pouvait ressembler l’espoir.
Et encore ceci...
Le désir précède le corps, lui trace un destin et lui propose tous les risques.
Non, je rectifie. Le désir annonce le corps et ce que pourrait être sa beauté à l’intersection de toutes les vérités. Unes.
Et finalement... juste comme la lumière se calmait derrière l'ombre de ce que j'attendais...
Je voulais une contenance, j'ai fait une rencontre. Je voulais un passe-temps, j'ai trouvé celui qui creusait déjà l'intensité. Après 10 minutes d'une telle lecture, il devient impossible de faire semblant, faut pas s'étonner qu'en quatrième vitesse nous ayons enterré le small talk et les convenances de toutes retrouvailles pour porter nos mots au coeur de l'essentiel. Conversation de sens, considérations sur le bonheur, regards sur la peur. Partage.Atlantide de tes yeux, cette couleur que l’abandon corrige.
Pas de temps à perdre.
Nous étions un poème.
Fragments de Sifnos, Claire Rochon, Éditions du Noroït
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