Quand le dernier Pierre Lapointe est sorti, je l'ai eu plusieurs jours avant tout le monde. C'est que je me suis arrêtée chez mon disquaire pour faire le plein et en arrivant à la caisse j'ai demandé quand le disque sortirait. Mon disquaire m'a avoué qu'il y en avait pour 4 ou 5 jours encore, mais en échange de mon silence il est allé me chercher une copie à l'arrière.
Je me rappelle aussi que quand je devais étudier des textes de Jean-Pierre Ferland, je n'arrivais pas à mettre la main sur le disque Les Vierges du Québec. Quand j'en ai parlé à mon disquaire, il n'a rien pu y faire... jusqu'à ce que son regard s'illumine. "Tu sais quoi, je pense que je l'ai en vinyle." 10$ et aujourd'hui j'ai une copie vinyle de cette pochette blanche et bleue inoubliable. On disque qui ne m'aura servi à rien d'autres qu'apprendre le texte de "Simone est aux hommes" par coeur (c'est déjà pas mal).
Mon disquaire, c'est un peu comme mon libraire. J'apprends à le connaître. Je le laisse me parler à la caisse, parce qu'il me parle vrai. J'ose des questions et des commentaires. Il me parle de ce qu'il connaît, de ce que nous voulons partager.
Nous savons que ces commerces sont en danger et pourtant... Comme pour d'autres dangers, nous laissons la facilité nous gagner. Nous n'allons pas dans la petite librairie de peur de ne pas trouver ce que l'on cherche, reléguant aux oubliettes l'idée même de commander. Nous préférons les grandes chaînes pour sauver 2 ou 3 $ et nous préférons que la suggestions soit un collant sur un livre qu'une conversation. Et puis pour être honnête, souvent nous préférons une chanson à tout un disque. Parce que quand on entend une bonne chanson d'un artiste inconnu, on a plus envie de s'en sculpter un vers d'oreille que d'entendre l'ensemble de l'oeuvre.
Les commerces à taille humaine vont mourir et nous en serons les premiers responsables. Par paresse, par aveuglement, par désintérêt. Depuis quatre ans maintenant, j'ai fait de cette cause mon combat à moi. Pour sauver des espaces d'échanges, des espaces publics de culture.
Le 1er septembre, L'Avant-Gardisque va mourir. J'aurai des souvenirs de ce magasin un peu bric-à-brac mais chaleureux. Des souvenirs personnalisés. L'Avant-Gardisque va mourir et ce ne sera pas ma faute. Parce que même rendue à Ottawa j'attendais de passer à Montréal pour m'y arrêter faire le plein de musique.
Je suis en deuil: mon disquaire se meurt.
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