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mardi 27 avr 2010

Commentaires

Jean-philippe Tittley

Ce snobisme inversé ne s'applique malheureusement pas qu'aux faits culturels, mais à toute forme de compréhension, de réussite. Je remarquais déjà -- et identifiais le phénomène avec les mêmes mots -- il y a quelques années la propension au sarcasme de notre société face à ceux qui étudient. Les pelleteux de nuages. Les enculeurs de mouches. Les pousse-crayons du Ministère dans leur tour d'ivoire. Qui n'ont aucune idée de la réalité concrète des choses. Ceux qui préfèrent la théorie, qui ne connaissent rien à la vraie vie, celle où tu te lèves à 5h30 pour aller travailler à' shop.

Par ailleurs, diverses raisons m'ont amené à m'intéresser aux commentaires que laissent les internautes sur les plateformes web des services d'information. Radio-Canada, Cyberpresse, Voir, Devoir* ; on y observe un discours social remarquablement différent de celui que propagent les médias, et heureusement. On constate alors que la majorité des médias propriétaires élèvent, malgré tout ce qu'on peut en penser, la teneur du discours social perçu.

Il m'est toujours un peu attristant d'entendre Joël Lebigot s'exclamer que des gens ont du temps à perdre pour étudier les corrélations entre le sourire et le divorce, mais ce n'est jamais aussi triste que de lire de très nombreux quidams prétendant que l'UQÀM décerne des diplômes sans valeur lorsqu'un doctorant en sociologie écrit dans les médias que la manifestation contre la brutalité policière a ses raisons d'être, raisons qu'il conviendrait de traiter socialement, et non pénalement.

Mais il semble être de bon goût de nous confiner dans notre ignorance, d'éviter la complexité des questions auxquelles nous faisons face en laissant nos verdicts se décider à l'aune du Gros Bon Sens. « Je n'ai pas besoin de connaître les détails, voyons, la situation est évidente ». On n'a pas besoin de confier une étude à une firme qui s'en mettra plein les poches pendant 10 ans... On n'a pas besoin de professionnels. Pas besoin d'experts. Pas besoin.

Parce que, quand c'est trop compliqué, c'est nécessairement de l'enculage de mouches. Je sais, moi, j'l'ai vu. T'sais ben.

Alors, ma chère Catherine, quand tu demandes si la culture est nécessaire, je réponds «oui, plus que jamais, et à tout le monde». Ne serait-ce que pour constater que des questions nous dépassent. Ne serait-ce que pour voir assez de tableaux, de pièces, de chorégraphies impénétrables, faire face à suffisamment d'incompréhension pour qu'un jour un soupçon de compréhension se dessine en notre esprit, peut-être face à de l'art un tantinet plus accessible, ou simplement plus en phase avec notre réalité propre, et que l'on se dise : «peut-être, finalement, que tout ça que j'ai vu et entendu et touché avant, peut-être était-ce signifiant, et je pourrais maintenant commencer à le comprendre.»

Et pour la même raison, si Michel Tremblay** nous fait sentir si à l'aise, à ce point confortable qu'il ne nous stupéfie plus assez pour nous taire juste un peu devant son oeuvre, il est temps que nous l'abandonnions, et qu'il meure écorché page par page sur le pavé de sa chère avenue Mont-Royal, au bout de son sang, de sa substance, de sa compréhension intermédiaire.

Y'a beaucoup trop de bouches à nourrir pour servir du mcdo. Y'a beaucoup trop peu de McDo pour encore en servir à un clown en plastique.

*Remarquons ici que les services de Québécor évitent comme la peste le feedback du lectorat / auditoire)

** C'est son oeuvre dont je parle, pas de la personne. Aucune envie d'inciter à la violence envers Tremblay, ce serait beaucoup trop utile au mythe.

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