J'ai de très bons souvenirs des enseignants de mon école secondaire. Ils furent, pour plusieurs, des modèles, des moteurs et des bouées. Pourtant, il m'est arrivée récemment de m'interroger.
Je lisais beaucoup. Toutes jeunes. Je lisais ce qu'on lisait à la maison, ce qu'on m'offrait. D'abord La courte échelle, évidemment, ensuite le populaire, surtout québécois: Arlette Cousture et autres. J'étais touchée, emportée, passionnée par les sagas et les histoires à l'eau de rose. Et je lisais.
Je me suis donc interrogée: pourquoi aucun de mes profs n'a vu ça en moi, quitte à tendre la main pour m'amener ailleurs. Pour me faire lire autre chose, n'importe quoi: Gabrielle Roy, Baudelaire, ou autre chose. Pour juste me faire sortir un peu de la culture populaire contemporaine dans laquelle je pataugeais? Il serait trop facile d'en conclure que mes enseignants n'en avaient pas les moyens intellectuels. Non, je crois qu'ils les avaient.
Ma première piste, c'est que dans ce système d'éducation qui fait de bien belles choses certes (et on ne le dit pas assez), il y a tant à faire, justement, pour raccrocher ceux qui décrochent, pour couver ceux qui périclitent, qu'on n'a bien peu de temps à accorder à ceux qui s'en sortent bien. Donc si tu n'as pas les parents qui aiment ce que tu aimes et qui peuvent t'aider à défricher (et les miens sont super, loin d'être des cancres, juste pas des littéraires!)... hey ben tant pis. Tu défricheras tout seul. Et dans mon cas, ce fut tard!
Ma deuxième piste, c'est que ce système d'éducation était à l'époque - et je dirais qu'il l'est de plus en plus - très préoccupé par l'art comme moyen d'expression plus que par l'art comme rapport au monde. Comprendre qu'on s'intéresse plus au loisir culturel qu'à la fréquentation de l'art professionnel. Une fois de plus, je n'ai rien contre le loisir culturel, mais que devient-il s'il ne rencontre jamais les professionnels qui deviennent comme un miroir, un autre regard sur l'art, une main tendue vers ailleurs? Je pensais à ça parce que je ne me rappelle pas qu'aucun enseignant m'ait suggéré une lecture, mais ils m'ont tous encouragée à écrire. Et à jouer. Et à prendre la parole.
Bien sûr, quand on travaille avec des adolescents, il y a une importance capitale à mettre sur l'Être. Ils doivent aussi apprendre cela: à être. Mais tendre un livre, c'est un geste assez simple finalement et qui ne coûte rien...
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