C'est fou ce principe des gens dont tu ne sais rien et qui, du jour au lendemain, passent 35 heures de leur semaine avec toi. C'est plus que n'importe qui d'autres. Surtout quand on vit seul. C'est plus que ma meilleure amie.
Il y a cette collègue que j'aime beaucoup. On s'appelle 'Mon Amie'. C'est drôle parce que même mes amis finalement, je ne les appelle jamais 'Mon Amie'. On rit de nos airs de vieux couples: on lit le journal côte-à-côte dans la cuisine commune en s'obstinant sur ce qu'on pourrait bien faire jeudi. On s'embrasse trois fois en quittant les cocktails. Et on ressemble à un vieux couple. Quelqu'un ce soir nous demandait si on se connaissait depuis longtemps. Même pas, même pas... On est devenu amies il y a un an - il y a des gens comme ça, on sait à quel moment ils sont devenus nos amis - donc il y a un an. Elle venait de se faire sacrer-là - parfois il n'y a qu'une façon de dire les choses. Nous en avions parlé, et après comme ça au milieu d'un corridor d'un colloque rempli de gens je lui ai dit des choses que je n'avais pas dites à personne sur mes peurs, mon corps, mes désirs qui fuient. Et elle m'a dit «On ne se connaît pas beaucoup mais avec toi c'est toujours vrai.» Ce jour-là on est devenue amies. Depuis on a l'air d'un vieux couple, on s'embrasse trois fois avant de partir et on s'appelle 'Mon Amie'.
Il y a mon patron aussi. C'est drôle de dire mon patron, parce que ce faisant tout le monde sait de qui je parle quoi. J'en ai juste un (je l'adore, mais un me suffira!). Ce n'est pas mon ami, c'est mon patron. Et pourtant parfois il se passe des choses. Les dernières semaines ont été difficiles, celle-ci a fait du bien. Comme si tout en courant on avait recommencé à se regarder. Voilà, justement une histoire de regards. Cuisine commune, remplie de gens, on échange quelques mots informels sur une rencontre du matin. Je nomme un nom, s'installe un silence. Il ne dit rien. Me regarde. Je réponds. «Oui, oui, je sais, tu as raison. Je suis très d'accord.» Pas comme une blague, même pas forcé. Tout naturel. J'ai entendu clairement ce qu'il se disait. J'ai répondu sans perdre le fil. On partage nos non-dits.
Et quand ce soir il a accroché mon regard. Je n'avais rien dit. Il me semble même que je n'étais pas particulièrement agitée. Je regardais la porte peut-être aux 30 secondes, mais rien de très wow quoi. Et il a eu le regard qui dit «RESPIRE, everything's under control.»
Ce soir je pense à ces deux collègues-là. Et plein d'autres encore. Celles qui pleurent, celles qui rient à ne plus s'arrêter, les nouveaux, les anciens. Vecteur qui me dit que je suis belle à tout moment comme si c'était le truc le plus naturel. Pas tous évidemment, mais quelques-uns bien placés sur la masse des employés.
Je ne les connaissais pas. Et voilà après des semaines de 35 heures je les appelle 'Mon Amie' et on se parle avec les yeux. Et je ne sais pas ce que je ferais sans eux!
Je vis les choses comme cela, aussi, des complicités, des regards, et pourtant...et nous devenons importants les uns pour les autres sans nous en apercevoir... Merci pour ce texte ! Ai-je envie de dire...
Rédigé par : antigone | samedi 27 sep 2008 à 03:30
Mais c'est vrai que tu es belle! Je suis chanceux de t'avoir dans mon décor. Je trouve qu'on est une bonne soupape l'un pour l'autre, trouves-tu?
Rédigé par : Vecteur | dimanche 28 sep 2008 à 15:49
En effet :o)
Soupapes :o)
Rédigé par : Catherine | dimanche 28 sep 2008 à 15:51
Ce dont tu parles reviendrait à la pratique du cloisonnement. Il y a des amis avec lesquels on partage certaines choses et avec d'autres c'est autre chose.
On finit par comprendre que les gens ne peuvent que donner ce qu'ils ont. Comprendre les limites de chacun, voilà bien ce que j'appelle le respect des autres.
Suis arrivé (ou me suis perdu) ici grâce (ou à cause) de/à Wikifiction, rue des plumes...
;)
Rédigé par : Inukshuk | lundi 13 oct 2008 à 21:09