Texte écrit pour le Coïtus
Ce matin-là, j'étais en classe et quand à la pause on m'a dit 'avion tombé' j'imaginais une autre erreur d'aviation civile. Jusqu'à ce que, tétanisée devant les écrans géants où l'on boit habituellement du hockey, j'ai commencé à comprendre. J'ai refusé de retourner en classe où le connard de prof invité de Paris ne voyait pas l'intérêt de suspendre les cours. Moi je savais. Plus rien ne serait. Plus vraiment. Plus pareil.
Fidèle soldate de l'information éclairée: 16:00, heure de tombée pour un article au Devoir. Dire quoi? Est-ce que je peux changer de métier? Je ne veux pas me nourrir à ce malheur. J'avais déjà vu danser les pseudo-marxistes uqamiens devant la tour du géant qui s'écroulait. Et l'autre tour après. Encore. En boucle. Ça m'avait achevé. La connerie ne connaît pas d'idéologie.
J'ai marché dans mon quartier. Tout me semblait ralenti. Mon pas surtout. La lumière différente était sûrement celle de l'automne, mais je la trouvais apocalyptique soudain. À la télé, les traditionalistes entêtés refusaient d'admettre qu'un non-État puisse faire ça. Un vieillard, militaire pseudo-spécialiste français, pointait déjà l'Irak du doigt. Il y avait des bruits de guerre dans le bourdonnement de ma perte de repères.
Sur la route, j'avais peur. Des accents de fin du monde. Fin du mien au moins. Les peureux avaient eu raison. La sécurité était nulle part. Craintes millénaristes dans mon esprit en calculette rationaliste. Et le postier, dans sa fourgonnette s'est arrêté près de moi. Je lui parlais de ma peur de guerre. De mon sang amer. Il voulait seulement draguer je crois. Comme quoi les âmes qui errent en banlieue des drames ont encore du charme.
Le lendemain matin c'était le 12 septembre. Dans mon cours de Théories des relations internationales, M. O'meara en avait long à dire. Je n'ai retenu qu'une chose:
Il y a 3 gagnants aux événements d'hier: les terroristes de tout poil qui viennent de comprendre que c'est possible, les compagnies d'armements qui y trouveront une voie vers l'argent, les néo-cons et tous ceux qui ont intérêt à investir dans une culture de l'insécurité.
4 ans plus tard, la tour n'est plus, pour toujours. Et malgré les murs tombés nous sommes plus que jamais en otage, quelque part entre les lois d'exception, les administrateurs de la guerre, la peur et l'image.
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