Vieillir c'est peut-être en partie être capable de vivre des relations différentes et à différents degrés sans ressentir nécessairement le besoin de les classifier, de les étiqueter. Je suis frustrée parfois, dans mes volontés cartésiennes de précision, par les lacunes du vocabulaire sentimental. Mes 'Je l'aime!' recoupent vraiment un spectre beaucoup trop large dans ma petite histoire. De tous ces moments où les tripes en sang, le coeur en écharde, on se conjugue à l'amour sachant bien que le moment présent est un peu terne pour porter tout ce gréement. De tous ces moments où on étiquette 'Amitié' parce qu'il faut bien nommer ceux qui meublent notre vie, même si le mot, encore, me semble souvent bien trop fort.
Mais c'est moi au fond qui, en quête d'absolues références, complique ce qui devrait se contenter d'être. À force de craindre de donner trop d'importance, je prêche par parcimonie de vocabulaire. Et je coupe les mouches en quatre! [Ce qui vaut mieux que de les manger, parole de femme qui s'est retrouvée avec un corps mort sur sa langue qui provenait étrangement de son thé!]
Ouache ! un corps mort dans ton thé, ouache !
Autrement, Katérina, r'tiens bien la parole d'une vieille (on sait tous qu'une vieille, ça radote) : avant de reconnaitre, il faut connaître. Ça tombe sous le sens, tu vas me dire, hein ? Ben oui, justement, connais de tous tes sens, pis tu finiras ben par combler les lacunes de ton vocabulaire sentimental. Que je ne trouve pas si lacunaire que ça, mais je ne suis pas à ta place...
Rédigé par : Cétêpamouadentonté | mardi 30 août 2005 à 22:27
T'as vu en la Katérina qu'elle leur en envoie plein la gueule.
Ne me provoquez pas!
Rédigé par : Catherine | mardi 30 août 2005 à 22:49
de Philippe Jaccottet
L'ignorant
Plus je vieillis et plus je croîs en ignorance,
plus j'ai vécu, moins je possède et moins je règne.
Tout ce que j'ai, c'est un espace tour à tour
enneigé ou brillant, mais jamais habité.
Où est le donateur, le guide, le gardien ?
Je me tiens dans ma chambre et d'abord je me tais
(le silence entre en serviteur mettre un peu d'ordre),
et j'attends qu'un à un les mensonges s'écartent :
que reste-t-il ? que reste-t-il à ce mourant
qui l'empêche si bien de mourir ? Quelle force
le fait encor parler entre ses quatre murs ?
Pourrais-je le savoir, moi l'ignare et l'inquiet ?
Mais je l'entends vraiment qui parle, et sa parole
pénètre avec le jour, encore que bien vague :
« Comme le feu, l'amour n'établit sa clarté
que sur la faute et la beauté des bois en cendres... »
(L'ignorant, Editions Gallimard, 1957)
Source : http://www.maulpoix.net/ignorant.htm
Rédigé par : chrysalide | mercredi 31 août 2005 à 17:33