Ma belle Galad,
il y a plusieurs semaines déjà que je mijote, la peur dans ma marmite, accueillant tes mots lourds et beaux. Cherchant un peu le fil qui permettrait de tricoter une définition à cette peur, étrange, essentielle mais désagréable. Vivre sans peur semble impossible, c'est elle après tout qui dès le premier souffle nous permet de marcher sur les frontières fragiles du risque en protégeant un peu ce que nous sommes.
Ne vivre que de peur n'est pas une option...
Tu parles d'apprivoiser la peur et je suppose que c'est la ligne à suivre pour la dompter suffisamment pour qu'elle ne ronge pas toute notre liberté. Avec la mort qui frappe fort ces jours-ci, je réalise que la Faucheuse en passant sème la peur... au moins pour un temps. La fragilité de la vie, révélée, prend une importance grandissante. Depuis le dernier décès je crains la mort. Les retards des uns m'inquiètent, les bobos des autres riment trop vite avec fatalité. Normal je suppose, la mort écorche et elle nous rend le coeur plus perméable.
Je suppose qu'après un attentat comme celui de Londres chaque entrée dans le métro se marche dans la peur. Pour un temps du moins... Ensuite la vie devrait reprendre son cours. Il est normal que le contrecoup d'un choc, individuel ou collectif, soit suivi d'une période de prudence extrême.
Ce qui est plus choquant à mes yeux, c'est la culture de la peur. Et elle est partout, elle pousse champignon. Elle pousse en politique, en Israël, en Palestine, à Washington. Elle pousse aussi dans nos vies, en témoigne le capitalisme de l'insécurité, les profits faramineux des compagnies d'assurance de tout acabit. La culture de la peur, semble-t-il, marquera le début du XXIième siècle.
Et des témoignages comme le tien rappelle que la peur est aussi un moteur, pas seulement un handicap. Ils rappellent que si on s'affranchit de la culture de la peur sans nier cette dernière, la vie peut continuer, avec une liberté qui ne rime pas avec inconscience.
Des témoignages comme le tien sont essentiels parce qu'ils donnent un visage humain à la peur qui perd ainsi de sa puissance castratrice.
Et c'est entre autres pour cet essentiel que je t'apprécie tant. Entre autres.
Très belle analyse, Catherine.
Jusqu'au milieu du siècle dernier, la plus grande peur était celle de l'enfer. Depuis la chute de la religion, la peur sert maintenant un nouveau maître: le capitalisme. Je suis tout à fait d'accord avec toi là-dessus: la peur est très payante pour qui sait profiter de celle des autres.
D'un point de vue individuel, la peur peut être très saine si elle nous permet d'avancer avec prudence. Là où elle commence à être dangeureuse, c'est quand elle devient paralysante et destructrice.
La peur a tout de même un avantage: c'est grâce à elle si nous prenons un peu moins les choses pour acquises, que nous profitons un peu plus du moment présent. Un peu comme les voyages finalement...
Rédigé par : Galad | mercredi 10 août 2005 à 19:41