J'ai voulu cesser depuis quelques temps d'étaler mes états d'âme sur Facebook, c'est que la chose est devenue aussi un outil de réseautage professionnel... Le problème c'est que lorsque je cherche à moins me raconter sur une plateforme, je m'étale sur une autre. Comme une foule trop importante qui, lorsque la porte de droite est bloquée, se dirige spontanément vers celle de gauche.
C'est quoi ce besoin, ce besoin de se raconter au quotidien? Se raconter même dans le banal?
J'ai eu très envie plus tôt ce soir d'écrire sur Facebook ou sur Twitter "Qui est en train de monter une bibliothèque toute seule à 11h30 du soir? Qui à votre avis?". J'ai eu très très envie vraiment! Une pulsion que j'ai freiné en essuyant une petite écume de frustration.
Mes raisons pour ne pas participer à un swap ont toujours été mauvaises. Je dois bien admettre que j'ai du mal à recevoir et que devant la générosité des participants... je reste toujours sans voix.
Mais pour mon amie Lucie, je me suis lancée. Et me voilà, avec une petite journée de retard, pantoise devant mon paquet. D'autant plus que j'ai dû patienter toute la journée puisque je n'avais pas l'appareil photo nécessaire au déballage pendant les heures de bureau! Patience,patience...
Alors me voici devant mon paquet où en plus de la gentille carte d'Abeille, je découvre plein de cadeaux.
- Un disque de la très belle Elisapie Isaac; - Deux romans sur le thème du piano (La société des jeunes pianistes du Norvégien Ketil Bjornstad - j'adore la scandinavie - et L'île au piano de la québécoise Christiane Duchesne que je découvrirai avec plaisir); - m'estimant déjà très gâtée, qu'elle ne fut pas ma surprise de trouver un DVD d'un film des années 1970 portant sur une tournée européenne de Leonard Cohen (je suis une grande fan!!!).
Alors, vous vous dites que j'ai été bien gâtée, mais ce n'est qu'un début!
Il y avait aussi dans ce paquet un signet et un joli carnet aux motifs musicaux. Il y avait aussi un thé qui sent divinement bon (parfait pour moi qui ne consomme pas de gourmandise) et un savon Lush baptisé Rock Star (ahah!!! dans le thème jusqu'au bout des doigts de pieds!!!). Et puis que dire de magnifiques cadeaux faits mains (j'adore!!!): une jolie pochette pour protéger les livres et aussi un très beau collier bleu et doré. Malheureusement le transport a été un peu difficile sur le collier, mais ma mère qui est (comme Abeille semble-t-il!) une fée manuelle, saura sans aucun doute me rendre mon beau collier en un seul morceau.
Je ne sais pas comment dire merci, si ce n'est quede signifier que les livres sont sur ma pile de lecture
pour le temps des Fêtes, que je savourerai le thé, écouterai disque et DVD et vous donnerez des nouvelles de tout cela.
Je reviens de voir Howl, le film qui trace le portrait des premières années de carrière d'Allen Ginsberg. Poursuivi pour obscénité, l'éditeur de Howl gagnera son procès. Le juge, pourtant conservateur, sera clair: on ne peut pas imposer à un auteur une vision du monde standardisée, la liberté de parole et de presse est à ce prix.
Le film m'oblige à faire un lien avec deux débats de l'actualité culturelle. D'une part, la sempiternelle question de la qualité du français dans nos médias s'en prend maintenant à... Xavier Dolan. Ce qui est plutôt rigolo considérant que ça doit bien être la première fois de sa vie que plutôt que de se faire traiter de snob, Xavier Dolan se fait dire qu'il participe à la déliquescence du français! Bien entendu, ce n'est pas moi qui va réduire l'importance de la survie du français... Mais il me semble qu'il y a une distinction à faire entre la qualité du français qui se parle ou s'écrit par les communicateurs professionnels... et celle qui se parle dans une oeuvre artistique.
Non seulement je crois qu'un artiste fait ce qu'il veut de la langue, mais je crois qu'il est carrément impropre d'imposer à des artistes des combats sociopolitiques. Là où les artistes se gourent parfois, c'est quand ils se réclament d'une individualité créatrice qui ne serait pas en lien avec la société. Combien de fois on entend "Je ne défends pas de point de vue sur la société", "Mon propos n'est pas politique", "Je ne parle que pour moi-même", etc. Parler AU NOM de soi, d'accord, mais si vous ne voulez parler qu'à vous-mêmes, épargnez-vous (et nous!) la parole publique. La première chose qu'on apprend en science politique... c'est que tout est politique. À plus forte raison une parole créatrice portée par une diffusion publique. Vous ne vous intéressez peut-être pas à la société, mais elle est en vous, elle vous conditionne et vous la conditionner aussi.
Le paradoxe de l'artiste c'est d'être à la fois le miroir de la société (les hipsters de Xavier Dolan parle la langue des hipsters de Montréal)... mais aussi performateur, créateur, sculpteur de société. C'est une question de cohérence. Une nécessité de s'assumer. (Je ne doute pas que Xavier Dolan s'assume dans ces choix artistiques! De toute façon, il est mieux de s'y faire, je gage qu'il gagnera aussi un prix Cendrier des ayatollahs de la non-fumée!)
L'autre sujet de l'heure, c'est évidemment le débat soulevé par le dernier gala de l'ADISQ dont ont déjà bien parlé certains chroniqueurs (dont Marc Cassivi et David Desjardins). Je fais le lien avec Howl parce que lors de sa plaidoirie, le procureur, à bout d'arguments, finit par admettre qu'il y a peut-être un intérêt littéraire pour les spécialistes dans le texte de Ginsberg... mais que vaut cette validation si le commun des mortels, le peuple, la masse, n'y comprend rien! Le procureur, pour illustrer son propos, se donne lui-même en exemple: il n'a pas vraiment compris. Pour lui, c'est le regard du citoyen moyen qui devrait évaluer la pertinence d'une oeuvre.
Il y a dans cet argument ce que j'ai longtemps appelé du snobisme inversé: si je n'ai pas compris, moi qui parle au nom du peuple, c'est qu'il n'y a rien à comprendre. Il y a dans cet argument la matrice autour de laquelle s'organise tout ce débat autour de l'ADISQ, cette polarisation entre la masse et les snobs, le vrai monde et nous autres.
Ce qui est sous-entendu par les "experts" appelés à la barre dans le film c'est un argument simple, un argument qui fonde l'art: "Non, monsieur le procureur, moi non plus je n'ai pas tout compris. Mais ça ne m'a pas empêché d'être bouleversé."
Ce que les méprisants qui se posent en porte-parole des masses (pour mieux mépriser à leur tour) n'ont pas compris c'est qu'on ne fait pas semblant de comprendre la musique savante, la danse contemporaine, l'art abstrait, la poésie moderne, juste pour faire cool. Non! On ne fait pas semblant: on se contente de ne pas tout comprendre.
La parole artistique n'a pas à se fondre dans le moule d'un ayatollah, ni non plus dans celui d'un confort de masse. Elle est libre.
Et quand on choisit de l'entendre, chaque jour, chaque putain de jour, elle change nos vies. L'art ne peut, ne doit être qu'à ce prix.
C'est un lieu qui ne ressemble à rien. Une plage grise et lumineuse pourtant, un sable humide d'automne. Un subtil crachin. C'est frais, c'est col roulé, c'est une peau douce cachée derrière la laine qui pique un peu. C'est une peau qui pique, cachée derrière des cotons soyeux. C'est un soleil qui se devine sur la nuque. C'est un vent, surtout, constant.
C'est une marche en silence avec le bruit éloigné d'une vague. Une marche en silence sur une plage sans mer. Une marche en silence dans un étrange univers.
C'est au fond pourtant, comme un vers d'oreille, un beat calypso ou un swing cajun. Une musique qu'on entend quelque part au loin. Un son en sourdine qui survit contre les murs vides et les planchers sans tapis. Des stigmates éloignés d'une fête à perpétuité où les hanches bougeaient encore au rythme ambigu qui confondent tambours, coeurs et abandon.
C'est une façade de laquelle on a enlevé l'affiche "Vacancy". On ne crie pas la permanence à la face du monde. On ne vend pas l'arrêt du temps. C'est un lieu où il n'y a plus de place vide parce que le vide a avalé la lumière. C'est un lieu incandescent où la conscience est vive, le doute toujours tranchant. C'est un lieu sans fatalité, un lieu assumé. C'est un anachronisme pourtant radicalement moderne si vous prenez le temps d'écouter. Radicalement marginal aussi. Un monde sans repère connu.
C'est un entre-deux, un décor hors-saison, un endroit sans surface, tout en profond.
Quand j'ai écrit mon article à propos du livre de Michelle Blanc, je n'ai pas abordé directement la question de la transexualité parce que je ne voulais pas tout mélanger. Je comprends pourquoi Michelle Blanc a vécu sa décision et tout ce qu'elle implique en public. Je comprends et je trouve ça noble. Il faut que des gens prennent la parole même sur ce qui est difficile à dire, surtout sur ce qui est difficile à dire.
Je pensais à cela ces jours-ci parce que quand je fréquente les vestiaires des centres sportifs, je suis toujours épatée par la diversité des corps, mais aussi par la diversité des rapports au corps. L'autre jour, juste à l'entrée du vestiaire, il y avait une femme magnifique, une grande noire, penchée vers l'avant sans aucune pudeur, les fesses offertes aux courants d'air et aux regards. Je l'ai admirée d'être si libre.
En fait il m'arrive d'admirer (d'envier) les corps, mais il m'arrive surtout d'admirer (d'envier) la liberté de celles qui sont bien dans leur corps.
Je fais le lien avec Michelle Blanc parce qu'à mon centre sportif il y a une transexuelle. Elle s'entraîne dans un suit assez micro: petits shorts, petit top. Je ne peux pas dire que je la trouve belle, mais je la trouve merveilleusement assumée.
Pour ma part, bien que prise dans des tempêtes bien moins fondamentales, bien plus superficielles, je ne suis pas assumée dans ce qui m'arrive. Ce qui aurait dû être une virgule dans ma vie, ce qui aurait dû se régler en claquant des doigts, s'étend pourtant depuis ce qu'il faut bien compter en années maintenant.
Je n'ai rien accepté du tout, mais je me suis résignée. Depuis deux semaines j'ai cessé de me battre. J'ai baissé les bras d'épuisement. De toute façon, le souvenir de celle que j'étais est si loin que je ne me rappelle plus après quoi je cours. Je me bats sans savoir pourquoi. Alors je renonce.
J'ai toujours eu tendance à vouloir mettre mon corps au garde-robe pour n'être que spirituelle et intellectuelle. Bon, évidemment, c'est impossible. C'est matériellement impossible, mais c'est symboliquement possible. Symboliquement possible de l'investir moins. Il fut une époque où on appelait ça l'ascèse. Ne vous inquiétez pas, je suis toujours aussi athée, mais de moins en moins charnelle.
Subtilement de toute façon, les choses se sont faites d'elles-même, je me suis contentée d'acquiescer. Quand tu vis hors de ton corps, le monde extérieur ne s'adresse plus à ton corps. Comme si on avait fermé boutique. Je le veux en santé, certes, parce qu'il est le véhicule de tout le souffle que je veux être. Je ne veux pas mourir, au contraire. (Ou enfin, devrais-je dire.)
Un jour peut-être, je saurai dire les mots. Un jour je pourrai oser. Parler pour les autres qui ne parlent pas. Parce que je bien sûr je ne suis pas seule. Nous ne sommes jamais seule.
Je n'ai pas encore ce courage ou cette impudeur.
Ma seule défense aujourd'hui, c'est encore de me taire.
Ce conte amérindien écrit par JoAn Pawnee Parent paraît chez Planète Rebelle et est accompagné d'un CD, comme cette maison en a fait sa signature. Le conte raconte le voyage de deux enfants courageux partis à la recherche de leur grand-mère qui leur fournira des plantes médicinales pour leur grand-père malade.
L'histoire respecte le format traditionnel du conte et est, par moment, assez convenue (les animaux se portent au secours des enfants perdus et tout finit bien...). Malgré cette trame primaire, certains éléments d'intérêt émergent. L'utilisation de mots amérindiens offre une valeur ajoutée pour les enfants et la chute de l'histoire insinue justement que les mots ne sont pas anodins, que le langage a des racines. Dans une société où la langue est de plus en plus présentée comme utilitaire, je trouve intéressant de rappeler à des enfants que la langue est souvent "chargée de conte", elle aussi.
J'ai été étonnée de voir la mention 5 ans et +. Même si l'objet-livre s'adresse à des enfants plus vieux, e ferais sans problème écouter ce conte à un enfant de 4 ans. Voilà un bel accompagnement vers le sommeil. D'autant plus que la narration de Robert Seven Crows ne sombre jamais dans un ton inquiétant. Même quand les enfants sont perdus, il garde un sourire dans sa voix qui ne fait pas de doute: ils ont la magie pour eux!
Finalement, un mot sur les illustrations aquarelles de Guth Des Prez. Très chargées, les illustrations sont riches et reprennent des grands thèmes de l'iconographie autochtone. Le procédé consistant à poser un cadre dans le cadre (difficile à expliquer en mots!) est très intéressant. L'illustration de la page 10 est pour moi un petit chef d'oeuvre.
Un joli livre donc qui ne révolutionne rien mais que je mettrais entre les mains des enfants, surtout ceux qui ont un intérêt pour les animaux. Un bel élément de découverte culturelle.
Dans les derniers jours, je me suis souvent demandé: Mais qu'est-ce que je suis venue faire dans cette galère?
Quand l'Opération Masse Critique m'a offert le livre de Michelle Blanc, j'étais sincèrement contente. Je ne connaissais la "gourou des médias sociaux" (selon le quatrième de couverture) que par réputation, j'aime bien les médias sociaux sans être une spécialiste et comme on réfléchit beaucoup à ces questions dernièrement au bureau, je pensais pouvoir aller chercher là des idées rafraîchissantes.
Deux. Deux idées rafraîchissantes. Ma section d'intérêt a été celle sur les relations publiques, entre autres les conseils sur les communiqués de presse (entre les pages 130 et 140 environ).
Comme La Presse nous invite à repenser la Course et comme je ne saurais mieux dire que ce qu'en a dit Chantal Guy avec qui j'ai été arrêtée juste avant le fil de départ, je me permets de vous ressortir les archives.
Contrairement à tous ceux que je côtoyais et qui rêvaient d'en être sans jamais s'essayer, dès que j'ai eu 18 ans je me suis lancée. Je n'aurais jamais cru. Jamais cru qu'un jour le téléphone sonnerait chez Suzy Shier, un jour d'été, pour me dire que j'étais parmi les 50 chanceux convoqués en entrevue. Après l'entrevue se sont ouverts les quelques jours les plus longs de ma vie. Ce stress-là (savoir si je passerais du 50 en entrevue au 15 en finale) était le plus intense de ma vie. C'était pire qu'être rejetée sur un film. Être rejetée en entrevue c'était comme dire que c'était moi qui leur avait déplu, non pas ce que je produisais. Les jours les plus longs donc, où je n'ai pas fait grand chose d'autre qu'attendre un téléphone en faisant des patiences.
Voilà! On le préparait depuis plusieurs mois déjà, pour sa quatrième année nous voulions que La Recrue du mois prenne du poil de la bête.
Exit le blogue, bienvenue le webzine.
Publié tous les 15 du mois, le webzine présente l'auteur d'un premier ouvrage (roman, récit ou recueil de nouvelles) et le met à l'honneur. Ce mois-ci: Nos échoueries de Jean-François Caron. Chaque numéro du webzine contient aussi des commentaires sur d'autres premiers ouvrages. Grande nouveauté: différentes chroniques permettront de découvrir des premiers ouvrages en littérature jeunesse, en poésie, éventuellement en BD. Dès le mois de novembre, une chronique mettra même en lumière une nouvelle voix littéraire de l'étranger. Finalement, découvrez aussi des entrevues dans La Recrue du mois. Ce mois-ci, ma collègue Lucie a rencontré nos deux Recrues favorites de l'année dernière: Jean-Simon DesRochers et Olivia Tapiero.
Comme si ce n'était pas assez, La Recrue du mois garde un pied dans le blogue pour vous aviser de nouvelles littéraires et vous offre un répertoire des premières oeuvres québécoises de l'année en cours. Consultez-le si dans vos choix de lecture vous souhaitez explorer des territoires encore presque vierges!
Et puis bon, comment ne pas dire que le site est plus beau, plus clair, plus convivial qu'il ne l'a jamais été et avec un tou nouveau logo designé par Marsi!
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