Coïtus Impromptus (Version 1.0)

Amour digital (Wictoria)

Je compte mes amours sur les doigts de ma main.

Un

Bertrand. Mon double reconnu dans ce monde. En musique avec Depeche Mode, en parfum avec Cristalle. Et ses yeux bleus dans lesquels j’aurai pu me perdre…

Deux

Patrick. Nos escapades en forêts, nos promenades en moto. Depeche mode toujours, mais sensuelle en Shalimar… Et ses yeux verts dans lesquels j’ai perdu mon innocence…

Trois

Jean. Nos fous rires impromptus, nos sourires complices. La voix chaude de John Lee Hooker, les effluves du numéro 5. Et ses yeux bleus qui me mortifiaient le cœur.

Quatre

Yann. Absolument nécessaire comme un radeau dans la tempête. Les chansons d’Yves Simon, Armani dans mon cou et l’éclat de ses yeux dorés.

Cinq

Bertrand (mais pas le même…). Tant d’années à vivre l’un avec l’autre, l’un pour l’autre. Tant de musiques… tant de fragrances… Ses yeux bleus lumineux amoureux.

Je ne compte plus rien.

Le carnet de l'auteure

La reine déchue (Wictoria)

La reine déchue tombe de son trône doré
La reine des chutes coule des jours passionnés
La reine des chuchotements descend en apnée
La reine des "chut" impose son silence figé
Et je reste prosterné devant son corps noyé.

Le carnet de l'auteure

Compte à rebours (Wictoria)

Dans la seconde qui me sépare

de l’éternité

tu me dis d’attendre

mais je n’ai pas la force

je compte les jours

qui nous séparent

je compte sur toi

car tu veilles sans rêve

tu m’attends…

Trois

syllabes nous rassemblent

j’en frissonne

Deux

mains se rejoignent

enfin

Un

seul

restera.

Le carnet de l'auteure

... en lettres majuscules (Wictoria)

La porte se referme et je me retrouve enfin seule dans cette bibliothèque. L'odeur familière m'envahit dans un soupir. Les effluves du papier passé se mélangent au parfum ambré que je reconnais entre mille. Ainsi, il est venu. Je sais qu'il recherche un recueil de nouvelles, écrites par un poète maudit mort dans sa vingtième année. Un de ces livres étranges auquel l'esprit s'attache dans un sursaut d'espoir. Sans doute, vient-il juste de sortir de la pièce. Il se doutait que j'allais venir et ne m'a pas attendue. Je comprends sans l'admettre. Je l'ai repoussé, il ne veut plus me voir. Dommage. Mes yeux parcourent rapidement les étagères, les rayonnages. Elle est là quelque part, cachée dans la Nuit des temps, mon livre préféré. Barjavel est mon gardien, mon ange. Ma lettre est là, dans les pages du désespoir. Je me souviens de bribes de phrases écrites il y a si longtemps… Mais l'amour n'a pas d'âge. Aujourd'hui, je veux la récupérer. J'ouvre le livre, une feuille tombe. Je reconnais mon écriture : sur la page tous les mots étaient écrits en lettres majuscules.

Le carnet de l'auteure

La lune dans le caniveau (Wictoria)

La Lune allume un espoir
Aussi loin que je puisse regarder

L'appel du coeur repousse
Une ombre glisse en douce
Nimbant le lisse étang devant
Et tes mots me glacent le sang

Doucement tu allumes mon coeur
Alors que je respire ton odeur
Nul ne sait si je vais te suivre
Si je me lèverai dans ton désir

La Lune éclaire nos regards
Espérant un souffle d'espoir

Ce que tu caches dans tes absences
Agrippé aux étoiles lointaines
Noires comme le caniveau de ma peine
Il me faudra cent ans pour filtrer ce silence
Vivre tant d'heures sans te retrouver
Envoie-moi cet ange qui me trouvera
Au pays de l'étoile du matin
Une de mes nouvelles adresses...

Le carnet de l'auteure

Monstres (Wictoria)

Je n’avais pas prévu d’aller voir ce film. Elle y tenait tellement que j’ai fini par l’accompagner. Bon alors, ça y est, voilà que ça commence. Un serpent. Je déteste les reptiles. Beurk, je vais en faire des cauchemars toute la nuit. Quelques secondes plus tard, je sursaute devant les bonds patibulaires d’une araignée. Je déteste les arachnides et tous les insectes. Le comble est atteint quand celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom se recompose avec force cris et douleurs dans une luminescence morbide monstrueuse. Je suis horrifié et me cache les yeux. A côté de moi, elle explose de rire devant les scènes les plus frémissantes, alors que je distingue à peine les personnages entre mes doigts croisés. A la fin, elle me demande :

- Tu as eu peur ?

Je réponds :

- J’ai détesté. Je n’aime pas du tout le fantastique et encore moins les monstres.

Elle rit à nouveau et me rétorque d’un ton enthousiaste proche de l’émerveillement :

- Et bien moi, j’adore !

Je suis fatigué. J’ai envie de rentrer chez moi. Au moins dans ma chambre, les monstres sont bien éduqués et savent où se mettre. J’ai envie d’être dans mon lit, ils y seront dessous. Mais je m’en moque. Eux, je ne peux pas les voir et ils sont silencieux.

Le carnet de l'auteure

Miss Lapsus (Wictoria)

J’ai pas d’idée
je vais me coucher
il veut fumer
il allume sa cigarette
j’ouvre la fenêtre
je vais me coucher
j’ai mal à la tête
il va se coucher
le lit bleu est froissé
je dors de mon côté
mais où ai-je la tête
sur l’oreiller
je suis en transe
je rêve je pense
il souffle à mon oreille
quelques mots
je t’aime
comme tous les soirs
comme mon espoir
je me relève
dehors la Lune
surveille
mes pas nus descendent
me faire un café
j’ai tout oublié
j’aurais dû lui dire
…
mais non
au lieu de cela
j’ai dit
…
c’est pas ma faute
j’ai mal à la tête
peut-être
alors j’en dis pas plus
je signe
miss Lapsus.

Le carnet de l'auteure

Dégoussailler (Wictoria)

• C’est quoi le temps ?

• Tu veux dire, le temps qui passe ?

• Et bien, oui…

• Quand j’étais petite, j’avais entendu dire que le temps était comme une succession de pelures d’oignons.

• ?

• Oui, c’est étrange n’est-ce pas ? C’est une très belle image. Il faut que tu visualises l’univers dans lequel nous vivons comme un oignon : les temps sont représentés par des pelures superposées.

• Mais cela voudrait dire qu’il y a plusieurs temps dans un même endroit. Où juste à côté…

• Oui, c’est un peu cela.

• Mais c’est incompréhensible !

• Non ma chérie, n’oublie pas ce que disait Einstein : « Ce qui est incompréhensible c'est que le monde soit compréhensible. »

• Oh ! Ta théorie me fait perdre l’esprit…

• (rire) Oui je te comprends ! Quand je me mets à imaginer cette vision, j’appelle ça « dégoussailler ».
  
  Le carnet de l'auteure

Il posa son doigt sur l'interrupteur (Wictoria)

Il posa son doigt sur l'interrupteur et se retrouva dans l’obscurité de sa chambre. Il s’allongea. Ainsi c’était cela. Avoir mal. Avoir envie de dormir pendant un an. Au moins. Le temps d’oublier la douleur. Le temps qu’elle disparaisse. Enfin. Qu’elle vienne reprendre ses affaires. Que sa voix ne soit qu’un murmure inutile.

Il posa son doigt sur le bouton de son iPod. Les lents accords affluèrent dans sa tête, inondèrent son cerveau, bouleversant sa mémoire, martelant son cœur comme autant de pointes acides. Il ferma les yeux, tandis que les images de ses souvenirs se gravaient dans des mots trop fous pour être tus :

“What should be lost is there

Oh, do you care,

I still feel for you

So aware,

What should be lost is there”(*)

(*) : Long lost love, par Nightwish

Lipogramme en TAS (Wictoria)

Lune

Je me lève en un rêve

enroulé d’une fièvre

comme une ombre fine

une fumée divine

mon œil fermé diminue.

Une nouvelle lune

ombre d’un cœur de brume

demeure une chimère

inconnue, légère

venue d’un cœur figé.

Une voix enfle pour dire

l’unique douceur, le rire

mue comme en un zéphyr

dernier refuge d’une vie.

Elle prend une plume, je m’envole… 

Le carnet de l'auteure