Se réveiller perfusé dans une chambre d'hôpital après une soirée de karaoké, peut paraître étrange. Encore plus surprenant est de voir le visage inquiet d'une personne qu'on ne connaissait pas avant la dite soirée. Il est vrai que depuis peu nous échangions sur le web nos états d'âme et que les téléphones subséquents avaient entraîné quelques fous rires. Périne possédait une tête à faire tourner les autres têtes, noire comme une liste, un carnet, presque d'une beauté illégale. C'était de son chef le chant public, l'idée de la première apparition de visu. Un défi lancé dans un qui tape le plus vite messenger. Elle se disait chanteuse, je ne la croyais pas, je lui ai dit que j'avais composé une trentaine de chansons, elle ne me croyait pas non plus.
Coin Rosemont-St-Denis, je vis s'approcher la sinueuse silhouette de la femme longiligne et nous fûmes le couple le plus dépareillé de l'endroit qui persiste dans l'enfumage. Elle carbure à la vodka, c'est parfait, moi je la dilue au jus de tomate et mollusque marin bivalve. C'était ma première fois dans un karaoké public, j'avais un trac épouvantable. Il s'accentua à la première interprétation de Périne, un "Summertime" fitzgeraldien laissant la bouche bée à toutes les oreilles présentes. L'animateur complètement saoul le charme de l'ébène femme, qui nous laissa cette fois pantois d'une chanson que peu savait de Birkin, moi inclut ; les frissons je vous dit. Elle me jeta alors un coup d'œil si brillant, qu'elle en su le $20 était sien. César saignant aidant le "Encore un coup porté en pleine figure" du "Boxeur" de Daran, eu un impact positif sur l'auditoire éméché, bien que je l'avais entamé dans un registre que je ne contrôle pas parfaitement, s'enchaîna un "One" de U2, mais dans une version à la Michael Stipe tel qu'entendu sur un album pirate du band irlandais. Je ne porte pas Bono en estime, un multimillionnaire qui se permet de critiquer la politique, sachant que l'industrie du disque est un mécanisme idéal pour le blanchiment de l'argent du crime, du trafic d'armes et de la propagande militaire ou haineuse. J'ai eu droit à une ovation et une série de drink des plus multicolores.
Périne souriait dans mon vacillement, m'a pris par la main et m'a tiré dehors à l'air doux d'août, elle a penché son mètre quatre-vingt -cinq sur les douze centimètres plus bas et déposé, plutôt complètement caché de ses lèvres charnues au possible ma bouche. Je lui dis que marcher me ferait du bien, elle passa son bras par-dessus mon épaule et moi pensant la tenir par la taille, ma main se retrouva sur sa hanche.
Ni la poutine du Rapido, ni le taxi ne m'enleva le tournis, si bien que les premiers pas hors du véhicule furent asynchrones, la face dans le tarmac, les yeux vers un trou dans le trottoir, j'ai vu la lune (ce qui est pratiquement impossible dans un caniveau montréalais).
Périne me demanda si j'allais mieux, elle a dormi dans un fauteuil minuscule à mes côtés, un geste étonnant, voire rassurant. Le médecin par contre me sonna les cloches, le "vous êtes diabétique mon cher" a été implacable.
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