Bernes, le Premier janvier 2006
Le Comte Harbourg récidive
Selon notre envoyé spécial à Bernes, Guy Lanneuf le Comte Harbourg, de la richissime famille des montres Haasbeen aurait comme à l’accoutumée à la même époque de l’année commis un meurtre dont nul à cet heure n’est en mesure de définir le mobile.
Il ressort de l’enquête que la victime n’a pas souffert.
Notre envoyé spécial a tenté pour vous de reconstituer cette troublante affaire.
Environ une semaine avant le geste criminel, quelques rares témoins l’ont observé en rase campagne dans le sud de la France, accroupi sous un ciel saphir et une lune radieuse devant un foyer de pierres sèches et nourrissant un feu. Les flammes s’élançaient dans l’air pur diffusant alentour une chaleur tiède et une brume aussi fine et blanche que la plus légère des cendres.
Le lendemain d’aucuns l’ont vu se promenant sur les orgues basaltiques de l’Ile de Madère, un vase à la main, recueillant les bouffées chargées d’iode et de sel que transportait le vent du large. Il faisait un froid tel qu’il s’était emmitouflé dans un manteau de zibeline dorée, d’une teinte si dense qu’elle illuminait la pierre brute et noire comme un phare.
Puis on l’aurait reconnu au pied du Mont Cameroun, manifestement peu inquiet de la présence de ces magnifiques taureaux aux cornes effilées qui vivent en liberté aux abords du volcan. Il faut dire, pour ceux qui ne connaîtraient pas cette région volcanique que la terre y est si riche qu’elle se couvre en tous temps de pâtures divines. Notre homme récoltait ça et là, semble-t-il, ces tourmalines, topazes, grenats sauvages qui surgissent des flancs de gneiss… On sait que la plus grande partie de la fortune de cette ancienne famille repose sur la vente de pierres précieuses ou semi-précieuses.
Les témoignages étant ce qu’ils sont, le quatrième jour
quelques jeunes nymphettes l’ont surpris caressant du regard les fines gouttes de rosée qui tombent en collier des branches d’un chêne lorsque le soleil en a fini d’étirer sa paresse à l’horizon. Il semblait tellement absorbé dans cette observation, il y avait un tel émerveillement dans ses yeux et même dans toute la posture de son corps suivant la chute lente des gouttes qu’elles ont pu s’approcher de fort près, quasiment à le toucher. D’ailleurs, tous comptes faits, c’est sans doute le témoignage le plus fiable.
Le lendemain encore on a découvert une nouvelle passion à notre homme : l’astronomie. Qui l’eut cru ?
Armé d’une lunette, assis au sommet du mont Palomar, il est resté un long moment à observer les astres au premier chef desquels Mercure dont on connaît hélas le tempérament primesautier et volatile en cette saison de l’année. Mais il a paru aux différents observateurs d’une détermination sans faille à aller au terme de son œuvre.
Il est à croire que cette veillée au sommet du Chili l’a quelque peu fatigué car les dernières personnes à avoir été témoins de ses errances lui trouvèrent le teint un peu plombé.
Ce n’est que le lendemain qu’il accomplit son forfait, s’étant rendu, mis sur son trente et un, au domicile de Mil Sainque, fils aîné de Mil Cat, autre grande famille damnée par une sorte de fatalité qui les fait être assassinés les uns après les autres.
On ne connaît pas d’origine corse aux deux familles, pourtant il y a comme de la vendetta dans cet air- là. On a retrouvé sur la porte de la victime l’habituelle signature du Comte Harbourg, un bristol sur lequel était écrit : « Avec les compliments de Jean Vier,
Bons baisers du futur ».
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