Récit paternaliste
Tu es arrivée à la conscience une nuit d’automne de tes vingt ans. Le vent faisait claquer les branches d’un arbre à la fenêtre de ta chambre, un décor lugubre qui, pourtant, te réconfortait. Une question que tu ne croiras plus jamais anodine t’est alors venue à l’esprit : comment est-ce mourir ? Tu as alors exploré toutes les hypothèses de la vie après la mort… Puis celle de la mort après la mort, l’hypothèse où ton esprit s’éteint simplement. Comment est-ce de ne plus penser, pire de ne plus avoir conscience de ne plus penser, de ne plus exister. Le calme d’une nuit d’automne a alors fait place à la panique d’être précipitée dans un monde sans issus.
Comment peut-on survivre à l’enfance ? C’est alors que tu as succombé à la mort. Chaque décision devint la plus importante de ta vie, comme chaque fois un pas vers la fin. Il devenait alors plus simple de ne rien décider, de se laissé porter, simplement survivre. Dans cette illusion d’éternité, ta vie a cessé de t’appartenir.
Pourquoi lui ? Comment lui ? Je n’en sais rien. Parce que tu avais l’impression qu’il existait ? Parce qu’il y avait quelques choses de mystérieux dans ce que de ses mains sortent des choses concrètes : un livre, un récit , ton corps qui tremble ? Ta vie a encore cessé de t’appartenir.
Pour lui puis contre lui, tu t’es définie. Lasse d’être larguée par des conversations savantes, tu as lu pour être avec lui. Lasse de lui, tu as lu contre lui. Ta parole a maintenat autorité, tes gestes ont des effets. Surprise d’avoir prise sur le monde, tu fais tout pour tout savoir sans encore choisir.
Tu portes maintenant l’uniforme d’un rôle pour lequel tu es trop vivante. Tu prends, sans tenter de comprendre ce qui est toi, les éléments d’un monde que tu juges respectable. Tu divises l’univers entre ce monde et ce qui n’y appartient pas : indignations convenues, goûts prévisibles, adulations acceptables. Tu regardes maintenant au-delà de ta frontière avec tristesse.
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