PIERRETTE MAJUSCULE
Son coeur bat la chamade. Comme une gamine de 13 ans, pense-t-elle. Elle rejoue dans son esprit ce souvenir clair comme un matin sans nuages. Elle est dans la cour de l’école à chercher comment prendre son courage à deux mains et le tenir sans qu’il glisse et se brise en miettes.
Elle s’avance sur lui. Il la regarde s’approcher lentement. Elle ne peut deviner les mouvements de ce cœur qui palpite – palpite-t-il? – dans ce corps d’homme qui émerge de semaine en semaine d’une enfance qu’on a, à cet âge, l’impression d’étirer comme une mauvaise blague.
Elle s’approche. Elle le regarde droit dans les yeux. Elle hésite. Peut-être va-t-il lui sauter au cou. Peut-être va-t-il l’envoyer paître en la ridiculisant devant tous ses copains. Peut-être va-t-il feindre l’indifférence. Ou rougir comme une tomate en juillet. Ça, elle aimerait bien.
– C’est l’heure de vous remettre les copies.
Elle n’a plus 13 ans. Elle en a 55.
– Les progrès sont nets.
Elle n’est plus dans la cour d’école. Elle est à son pupitre.
Son coeur triple la chamade. La peur qui l’étrangle est bleue d’étouffement. Autour d’elle, l’air semble prendre la fuite vers d’autres cieux.
La distribution des copies est commencée. Pour elle, le sort en est jeté. Ou ça passe, ou ça casse.
Elle se surprend à tout regretter : l’aveu à son époux Yvon, la décision d’y voir enfin, la démarche d’inscription. Elle se surprend à vouloir mourir plutôt que d’affronter les résultats.
Elle ne voit plus rien, n’entend plus rien. Tout se confond en une épaisse purée qui l’étourdit, l’engourdit. Même la voix de madame Dominique, passant près d’elle, fait des bulles sous l’eau.
– Pierrette ? Pierrette ?
Les commentaires récents