Ses paupières pèsent des tonnes.
Pourtant, Le Pierrot parvient à ouvrir les yeux.
Il fait noir. Un noir d'encre. Un absolu de ténèbres.
Il tourne légèrement la tête, sonde la nuit à la recherche de quelque source lumineuse, mais en vain. La lumière, celle du jour, est absente, mais l'autre, celle de la conscience retrouvée, brille de tous ses feux. « Vivant ! Je suis vivant ! »
Donc, il a survécu.
Un voile d'inquiétude vient ombrer l'euphorie du retour à la vie.
Ses yeux sont grands ouverts, il le sait, mais ne distinguent cependant rien hormis l'écran noir, totalement noir, qui constitue son unique horizon depuis qu'il a repris connaissance.
Il tente de se redresser, balaye en tous sens les ténèbres de son regard vide.
Une observation lui réchauffe le cœur : il peut bouger.
Il se dit que la vie est mouvement, que le simple geste de hausser son corps de quelques centimètres est le signe d'une incontestable avancée. Il s'enhardit à lever un bras, puis l'autre. Ses mains partent en reconnaissance. Elles rencontrent les montants d’un lit, qu'il évalue assez hauts.
Le lit est étroit et la surface sur laquelle il repose, très ferme.
Pendant le court instant, il a cru discerner, dans le coin supérieur de l'écran noir, un point lumineux - ou quelque chose lui ressemblant.
Vision fugitive, réalité tangible ou mirage enfanté par son cerveau malade ?
Appeler ? Sa voix est faible, le son qu'il arrive à expulser se fige au seuil de ses lèvres. Il s'accorde un long moment de repos, attend que son cœur cesse de battre la chamade.
Il glisse avec lenteur le long du lit. L'un après l'autre, ses pieds prennent contact avec le sol. Une violente douleur lui traverse les jambes.
Les yeux fixés sur le point lumineux, il avance dans le noir, bras tendus, comme un somnambule.
Le point devient cercle puis trou de serrure. Il y colle son oeil, regarde.
Sous le soleil de juillet, le cimetière dresse l'impeccable ordonnance de ses stèles gravées, de ses mausolées rutilants et de ses tombes fleuries.
Au premier plan, sur une belle croix de granit blanc, ses nom et prénoms étaient écrits en lettres majuscules.
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