Je vais mourir.
Gageons que ce sera fait avant demain. Inerte sur mon lit, tout le monde est venu assister au spectacle. N’ayant même plus la force d’argumenter, je les laisse faire et je regarde leur regards gonflés d’effroi. Ils voient enfin la justesse du monstre qui m’habite. Ils comprennent trop tard que la fin était annoncé depuis longtemps. Ils se culpabilisent de « j’aurais dû » au lieu de m’aimer pour les quelques instants qui me reste.
Je vais mourir, mais je n’ai pas peur. Je l’attends impatiemment. La mort sera ma délivrance. Enfin, je serai débarrassé de ce monstre qui me gruge de l’intérieur, de cette bête horrible qui me mort les poumons et me laisse sans souffle devant ma vie. Depuis des années que cette guerre persiste. Depuis des années que je veux qu’il parte. Qu’il aille suicider son malheur ailleurs. Il reste. Il me nargue. Une jambette à la vie. Une morsure pour l’amour. Une égratignure dans ma nuit. Et moi, je subis en haletant.
Je m’étais pourtant habitué à sa présence. J’étais persuadé que je menais le bal, le bal du monstre. Il m’avait bien déjoué. Sa stratégie était silencieuse. Il s’était joué de mes désirs pour se tapir au fond de mon cœur et me contaminer en entier. Mon cœur, berceau de mes émotions qui devenait royaume de la colère.
Colère face à ce monstre qui bouffait tout, même mes rêves les plus chers. Colère face à cette vie qui devenait insipide devant ma faiblesse. Colère face à ce monstre qui me narguait depuis le début, me faisant croire à la vie avec lui.
Hiberner face à ma vie ne me convenait pas. Le retrait non plus et l’attente encore moins. Comment avais-je pu croire que je m’accommodais de sa présence ? Je rageais, je bouillais, je voulais que ça cesse. Je voulais qu’il crève d’une mort violente et horrible. Je n’avais toutefois pas pensé que je l’accompagnerais dans sa fin.
Je veux en finir. Je veux mourir. Depuis trop longtemps qu’il s’agrippe à moi. Il me colle à la peau et se fond tranquillement dans ma propre chair. Il me ronge à petits coups, de ses dents acérés, et je disparais peu à peu de la surface de la réalité. Ce monstre hideux m’aspire et je n’existe déjà plus sous mon propre poids. Vos mains tentent de me retenir, mais je fonds et je glisse entre vos doigts. Je brûle sous ma vie. Je me sens exproprié de mon corps.
La fièvre se fait aller de plus belle.
Cette nuit sera ma dernière. Le monstre qui me ronge est d’une force que jamais je n’aurais estimée à sa juste valeur. Il me happe, il me frappe, il me coupe le souffle. J’en reste bouche bée et je me meurs à petit feu, sous vos regards effrayés qui me tuent.
Le carnet de l'auteure
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