C’est d’un pas léger qu’Alice a quitté son appartement ce matin là, pris le train pour Saint-Lazare. Un léger voile de nuages couvrait Paris, et la pluie de la nuit avait neutralisé les tentations caniculaires de ce mois de juillet : elle a donc abandonné son trajet habituel en métro depuis la défense pour s’offrir quelques minutes de ballade le nez à l’air, sur les trottoirs encore humides, poussant le luxe jusqu’à un détour inutile par la Madeleine et la Concorde. Ce n’est pas son quartier préféré de Paris, mais l’envol vers des cieux réputés plus cléments de sa population habituelle lui donne un charme insoupçonné.
Sa marche est vive, joyeuse même. De rares voitures, quelques oiseaux, le claquement discret de ses sandales sur les trottoirs, une brise légère sur ses jambes nues en traversant la-plus-belle-avenue-du-monde et, après avoir longé la file de voitures de police du commissariat de Franklin-Roosevelt le Palais de la Découverte.
Alice aime à snober l’entrée du personnel pour se mêler à la foule des visiteurs, sonder leur humeur, deviner les envies, les attentes, l’impatience des scientifiques en herbe…Entrer sous la vaste coupole, monter quelques marches d’un pas alerte en montrant son badge à l’un des gardiens. Un coup d’œil sur une horloge, elle a largement le temps avant sa présentation, se sert un café et traîne dans les galeries. Chaque jour, ainsi, elle étudie soigneusement une salle ou assiste à l’une des conférences. Ce matin, c’est celle de son ami Ludo, camarade de promotion depuis le lycée, qui parle d’acoustique. Lorsque Ludo a fini, ils bavardent cinq minutes, de ces temps d’été ou rien n’est pareil, des labos où ils retourneront l’après-midi se perdre dans leurs ordinateurs, du statut toujours délicat de chercheur universitaire, de science voire de conscience, le temps de rejoindre le bureau des intervenants, une petite salle, coincée sous un escalier, sans fenêtre, juste quelques casiers, une table, quelques chaises, un tableau et un grand planning sur lequel apparaissent les différents intervenants.
Alice pose ses affaires, dans un casier, enfile une blouse blanche sur laquelle elle fixe son badge, ajuste une mèche de cheveux et ressort, en vérifiant le contenu de ses poches. Elle arrive bientôt dans la salle d’optique, ou une classe entière est installée. Elle a quelques minutes d’avance, qu’elle met à profit pour vérifier le fonctionnement des appareils. Un dernier coup d’œil à l’horloge, et elle s’avance au milieu de l’estrade. Le silence se fait.
- madame, mesdemoiselles, messieurs, bienvenue au Palais de la Découverte. Je vais vous faire…découvrir aujourd’hui les surprenants phénomènes de l’optique qui, pourtant, font le monde dans lequel nous vivons » Elle marque un pause, sort de sa poche une petite peluche et poursuit :
- Je m’appelle Alice, et avec mon lapin blanc, je vais vous emmener au pays des miroirs…
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