Il n'y a jamais eu de monstres sous mon lit.
J'étais bien trop occupée à m'inventer des princes charmants dans ma vie déjà. Dans mon lit aussi. Pas pour les gestes électriques que l'on s'imagine à l'adolescence, que l'on expérimente après, que l'on se remémore à l'ombre des morts. Non, dans mon lit juste pour être moins seule. Je m'imaginais un prince charmant. Et quand le froid tuait le rêve, quand le poids des secondes traînait les couvertures vers le sol, alors dans mon pyjama à pattes, ridicule sur mon corps qui se féminisait trop vite, je partais, une, deux marches. Rejoindre ma mère.
Parce qu'il faisait froid. Maison de bois, hiver laurentien, les planches qui craquent, sans rideaux aux fenêtres. Il y avait un chat qui me réveillait la nuit, et les couvertes trop lourdes qui tombaient. Mais ça je l'ai déjà dit.
Il y avait les arbres qui faisaient des ombres, et parfois me semblait-il des lumières ésotériques quelque part dans un bosquet. Il y avait des peurs. Mais rien sous le lit, d'autre que les mousses accumulées par mon chat qui lui ne dormait pas. Pic-et-pic, c'était le nom du chat noir et gras.
Aujourd'hui je vis dans une maison où il ne fait pas vraiment froid l'hiver. Je n'ai qu'une couverture et elle ne tombe pas. Même si mon lit pourtant bien plus grand que celui d'avant me semble encore trop petit. Mais toujours aussi vide.
Il n'y a toujours pas de monstres, j'ai envoyé la chatte hier, vérifier. Soya, c'est le nom de la chatte, petit et blanche. Au rapport elle confirme la présence de mousses suspectes - pas les mêmes qu'il y a vingt ans, quand même - mais rien pour troubler mon sommeil.
Aujourd'hui je n'ai plus 6 ans, mais la nuit je ne rêve même pas aux gestes électriques qui deviennent ceux des princes charmants quand ils quittent les contes de fée pour les romans XXX. Aujourd'hui j'ai 26 ans. Et la nuit j'envoie mon chat en éclaireur et je garde mes distances des profondeurs.
Il n'y a jamais eu de monstres sous mon lit. Mais le cynisme en fera peut-être pousser un prochainement. Histoire de nourrir ce qui survit d'imagination.
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