Quatre ans ; cela faisait quatre ans que nous vivions ensemble.
Il me réchauffait, il me nourrissait, il m’aidait à vivre. Sa présence quotidienne était… rassurante, comme si rien de grave ne m’arriverait tant qu’il était là. On a déménagé ensemble, de cette minuscule chambre de bonne où nous vivions presque l’un sur l’autre, à l’agréable deux-pièces que j’occupe aujourd’hui où nous pouvions avoir chacun notre propre espace sans nous gêner. Je prenais tout ce qu’il me donnait avec confiance, les yeux fermés, insouciante, sans me poser de question. Je goûtais sa présence. J’étais aux petits soins, je veillais à chacun de ses signaux d’alarme, quand il était urgent que je m’occupe de lui. Nous partagions presque quotidiennement des plaisirs variés… un régal.
Oh, j’aurais dû me douter que ça finirait comme ça. Il y a eu des signes avant-coureurs. La semaine dernière, pour sa première panne, j’ai voulu croire à l’accident. Je l’ai réconforté. Des phrases de consolation, banales, de celles que tout le monde a déjà prononcées une fois, pour le rassurer autant que pour me rassurer moi-même : ce n’est pas grave, ce n’est qu’une défaillance passagère, ça arrive à tout le monde, tout ira mieux la prochaine fois… J’aurais dû me douter que quelque chose n’allait pas.
Il vivait mal d’avoir des concurrents. Il avait sûrement peur d’être supplanté. Et puis il se sentait exclu, parce que je ne lui faisais pas rencontrer grand monde… C’était pour son bien que je l’en empêchais ! entre lui et les autres, je savais que ça aurait fait des étincelles. Mais je voyais bien que ça lui faisait de la peine.
Et puis, il a fallu se rendre à l’évidence. Plusieurs fois de suite, il est resté froid comme une pierre. « L’accident banal qui peut arriver à tous » revenait comme un cauchemar. Trois jours durant, angoissée, j’ai eu du mal à manger. Je pensais à la vie sans lui, je me demandais si ce serait possible, et le doute me rongeait. Il fallait mettre les choses au clair.
Je lui ai donné un verre d’eau. Une lueur s’est allumée dans ses yeux, pourtant, il a poussé une sorte de grognement, j’y ai cru. J’ai attendu. Et puis j’ai su.
Mon four à micro-ondes était définitivement hors d’usage.
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