<p>Laurence m'avait laissé ces mots ("JE T'EN PRIE, REVIENS") comm</p>
Laurence m'avait laissé ces mots ("JE T'EN PRIE, REVIENS") comme on envoie une bouteille à la mer. La connaissant, si pudique et pratiquante subtile et déterminée de l'humour comme politesse infinie du désespoir imminent, je compris immédiatement que pour m'avoir écrit ces mots, elle devait avoir plus que dépassé le bout du rouleau et désormais se tenir au dessus d’un vide dangereux.
Je me traitai de tous les noms, en oubliai mes propres tracas et enfin lui téléphonai, fermement décidée à la joindre coûte que coûte même si rien ne répondait.
Ce qui fut le cas.
Le fixe était sur répondeur, le portable n'acceptait déjà plus de messages, et une tentative par l'internet resta sans accusé d'aucune réception.
Alors je pris sac et manteau, clefs d'antivol et casque de vélo (je ne savais pas à quelle heure je pourrais bien rentrer), ouvris la porte pour sortir, retournai in extremis dans la cuisine éteindre sous la soupe, repassai enfin le seuil, fermai en claquant, et dévalai les escaliers. J'y croisai en bas mes fils qui rentraient, un peu surpris de voir leur mère transformée en tornade tardive.
Je revins sur mes pas, afin de leur expliquer au moins la soupe et qu'il convenait de remettre à mijoter un moment avant de pouvoir la déguster, puis repartis de plus belle.
Nos domiciles étaient distants par métro comme par bicyclette, d'une quarantaine de minutes. J'en mis à peine 30, grillant quelques feux rouges et effrayant une ou deux paires de piétons par des raccourcis audacieux. Le code de son immeuble, par miracle, n'avait pas changé et une vieille dame qui venait d'entrer me tint la seconde porte avec cette politesse qu'on avait autrefois avant que politiciens et assureurs ne nous inculquent la crainte de notre prochain.
<p>Laurence m'avait laissé ces mots ("JE T'EN PRIE, REVIENS") comm</p>
Je grimpai les escaliers quatre à quatre, m'étonnant des ailes que me donnait l'angoisse et la peur éprouvée pour quelqu'un que cette dernière année j'avais si peu croisé.
Je frappai à sa porte, oubliant la sonnette qui pourtant fonctionnait. Au bout d'un petit siècle j'entendis des pas diffus, puis l’ouverture se fit sur un spectre pâle qui ressemblait quand même à mon ancienne amie. Je vis une surprise absolue dans ses yeux, ce regard qu'autrefois je lisais si bien et qui s'il n'avait pas changé était désormais marqué par des cernes profond et un enfoncement orbital de fatigue extrême.
Elle ouvrit la bouche mais aucun son n'en sortit. Comme je n'étais pas plus qu'elle capable de parler, je poussai la porte, entrai et la pris dans mes bras. Celle que j'avais connu avec un corps musclé par la pratique sportive et que je lui avais autrefois bien envié, n'était plus que peau sur os ; j'eus peur de lui faire mal, mais elle me serra avec une force surprenante. Nous restâmes longuement ainsi, à pleurer en silence le temps stupidement perdu.
Je devinai sans peine que pour elle le compte à rebours du point final était fortement entamé, et je me promis de tout faire afin d'en retarder l'échéance à ce qu'elle aurait dû être, c'était à dire le double. Au diable mari volage et amant infidèle, pour qui je l'avais reléguée loin de mon quotidien, pour les mois à venir ma vie consisterait à sauver la sienne ou du moins tenter de le faire. Les enfants étaient grandets et connaissaient Laurence, sans doute ils comprendraient. Quant au travail après tant de mois trop intense fors les vacances de février, il était légitime d’y ralentir le rythme.
Je la sentis qui devenait faible et la soutins jusqu'à son lit.
Le compte à rebours à commencer
Rédigé par : Aventurier | 16/11/2006 à 14:33