La lune dans le caniveau,,,,
Journal Intime de Pierre Blanchet. Août 2004
Ca y est j’y suis, après tout ce temps passé à en rêver, ces nuits à en parler à préparer ce grand projet. Enfin nous y voila, tout mon petit monde et moi avons emménagé à Montréal en ce mois d’août, oui vous lisez bien, nous avons quitté notre Lot-et-garonne natal pour venir nous installer dans la belle province. Je l’ai ma mutation, mon poste de rêve aux portes des étendues sauvages du Canada. Josiane mon épouse est ravie elle ne cesse de parcourir notre magnifique villa juchée à flanc de colline en s’ébahissant devant tant d’espace. Les enfants découvrent petit à petit leur nouvel univers, ravis et curieux de tout ce qui touche ce nouveau monde.
Ce matin j’ai fait la connaissance de Bob mon voisin direct et de sa femme Gwenn, ce sont des gens à tout point charmant. Bob m’a proposé de faire un bowling avec eux ce samedi suivis de grillades, nous avons acceptés avec joie et passé un très bon week-end.
Octobre 2004
12 Octobre :Ce pays est magnifique, nous avons passé un mois merveilleux sur ce continent merveilleux. Avec Bob nous avons découvert les merveilles de la forêt cette semaine, trois jours de camping au bord des grands lacs avec promenade en canoë, ce fut un bonheur, un régal. Les enfants de Bob sont géniaux ils m’ont aidés à construire un petit abris de jardin pour y ranger mes outils divers. Bob m’a conseillé d’acheter un de ces petits tracteurs avec pelle adaptable pour le déneigement cet Hiver, j’irai si j’ai le temps, de toute façon j’ai ma pelle à neige ce qui est bien suffisant pour les cinq mètres que fait ma petite allée.
24 Octobre : Ca y est il a neigé, c’est merveilleux, le paysage est splendide, il est tombé 15 centimètres dans la nuit et c’est superbe, vraiment… Ce manteau de pureté qui recouvre tout, ça rend tout plus beau, plus pur. Chaque jour je me dis que j’ai eu raison de venir habiter ici… J’ai déblayé mon allée au petit matin pour dégager l’entrée de ma cour, une fois terminé la déblayeuse est passée dans la rue et à poussé un petit tas de neige dans mon entrée. Du coup j’ai du m’y remettre pour l’enlever, ça nous à bien fait rire avec Bob, à l’avenir je saurai qu’il faut attendre que la déblayeuse soit passée.
Novembre...
20 Novembre : Début de mois un peu triste, il n’a pas neigé depuis septembre, je m’attendais un peu à autre chose, mais je suis certain que ça va venir sous peu. En attendant avec Josiane on a déjà fait les achats de décorations pour Noël, notre premier Noël sous la neige.
25 Novembre : Ca y est il neige, enfin, et pas un peu, il tombe une belle neige d’hiver, une de ces vrais giboulées d’hiver qui fait plaisir à voir, j’attends que la déblayeuse soit passée et je déneige mon entrée pour emmener les enfants faire de la luge.
28 Novembre: Il neige toujours, c’est à présent un tapis de plus de trente centimètres de neige qui recouvre tout les alentours. Comme la déblayeuse passe plusieurs fois par jour, je pense que je vais attendre le soir pour déblayer mon allée, je n’ai pas envie de recommencer plusieurs fois le même travail.
Décembre
5 décembre : Il neige depuis plus de deux semaines, hier je n’ai pas pur rentrer dans mon allée avec ma voiture, la déblayeuse avait empilé un tas de neige trop gros durant la journée sur son passage. J’ai du retirer le tas de neige pour rentrer chez moi. Je crois que je vais aller chercher ce fameux tracteur pour déblayer la cour. En tout cas Bob me l’a encore redit aujourd’hui, j’aurai du l’acheter en arrivant. Parfois Bob m’énerve un peu avec cette façon qu’il a de toujours vouloir avoir raison.
6 Décembre : Ce matin j’ai cassé ma pelle en essayant de pousser le tas de neige qui avait gelé durant la nuit devant l’entrée. Du coups je suis allé au magasin chercher un de ces fameux tracteurs, mais ils sont en rupture de stock et ne seront pas livrés avant février. Josiane m’a dit de demander à Bob de me prêter la sienne. Je ne sais pas, je n’ai pas envie de lui être redevable de quoi que ce soit, ça m’obligerait à entendre encore une fois à quel point il avait raison.
8 Décembre : J’ai fini de déblayer et la neige ne tombe plus, ce matin je suis arrivé avec près d’une heure de retard au bureau, je vais devoir me lever plus tôt dans les temps qui viennent, pour déblayer.
8 Décembre bis : A peine avais je finis de poser les mots précédents que la déblayeuse est passée. Je suis ressorti déblayer le tas devant l’entrée avant qu’il ne gèle. Il neige de nouveau et je repense à Agen, parfois elle me manque ma ville.
12 Décembre : J’en ai parlé à Bob, je trouve que cette déblayeuse passe trop souvent, à croire qu’elle fait exprès de passer sans cesse devant la maison, je lui ai proposé d’écrire conjointement à la municipalité. Bob m’a répondu que non, c’était normal on ne pouvait pas laisser la neige s’accumuler trop longtemps. J’aurai du me douter de sa réponse, ils se tiennent tous les coudes dans cette province et tant pis pour l’étranger.
14 Décembre : J’ai passé mon dimanche à déblayer cette putain d’allée, j’ai compté, la déblayeuse est passée dix fois. Je suis sur qu’il le fait exprès, il attend que mon tas soit déblayé pour passer. Je lui ai couru après pour lui dire ma façon de penser, mais il n’a même pas ralenti.
15 Décembre : J’ai téléphoné à la mairie, j’ai écrit plusieurs lettres, dont une au consulat de France pour leur signaler ma façon de penser et mon ressenti. Aux services de la voieries l’employée m’a dit que je devrais envisager de m’acheter une petite déblayeuse motorisée……. Je lui ai raccroché au nez en la traitant de salope puis je suis sorti déblayer, les gosses de Bob me regardent d’un drôle d’air, je suis sur qu’ils se foutent de moi, et qu’ils complotent dans mon dos.
17 Décembre : C’est BOB, Je le sais, c’est lui, il téléphone au gars dans la déblayeuse chaque fois que j’ai dégagé mon allée. Hop le gars saute dans sa machine et vient ruiner mon boulot.
18 Décembre : BOB EST UN CONNARD. Et il neige…
19 Décembre : Ma femme m’énerve, ce soir on a regardé la lune dans le caniveau, histoire de se replonger un peu dans le cinéma français, mais je n’ai pas profité du film, forcément, cette putain de déblayeuse n’arrêtait pas de passer et de repasser dehors. Josiane me dit que je devrais me détendre un peu.
20 Décembre : Cela fait une semaine que je n’ai pas mis le pied au bureau, j’ai reçu un coup de fil du chef du personnel. J’ai essayé de lui expliquer que je NE POUVAIS PAS
21 Décembre : Je suis resté collé à la fenêtre de l’entrée toute la journée, Josiane m’a demandé de l’aider avec les enfants pour faire la décoration de Noël. Mais qu’est ce qu’elle croit cette conne ? Que j’ai le temps d’aller accrocher des boules à son putain de sapin ? Je dois surveiller la route, parce que l’autre psychopathe avec sa déblayeuse il n’attend que ça, que je tourne le dos pour balancer trois tonnes de neige dans mon entrée…
22 Décembre : Josiane est grosse et conne, je peux plus la voir, je ne rentre quasiment plus je déblaie. J’ai envie de tuer Bob, je crois que je vais le tuer et l’enterrer sous un tas de neige.
23 Décembre : Josiane est partie, elle est allée passer des vacances en Europe chez sa mère, je lui ai dit de se barrer avec toutes ces affaires et de pas oublier les deux larves qu’elle m’a pondue. Hors de question que je quitte mon poste. Non, je suis ici et j’y reste, même si toute la région s’est liguée contre moi et veux me faire partir.
24 Décembre : Je suis allé chez Bob, j’avais ma pelle à neige, je voulais la lui enfoncer dans son crâne arrogant. Il n’était pas la, il passe sûrement ces vacances en famille dans un endroit ou ils doivent manger de la viande de caribou séché en se moquant de moi. Alors j’ai poussé mon tas de neige pile devant sa porte d’entrée. Bien fait, bien fait, bien fait… Mais pendant que j’étais affairé devant sa porte la déblayeuse est passée, tout est à refaire, salope, salope, salope..
26 Décembre : Je suis enfermé dans la maison, je suis pas seul, j’ai ma pelle avec moi. Ce matin on a sonné, c’était le gars qui conduit la déblayeuse, il vendait des calendriers pour les œuvres du service de la voirie. Je l’ai chassé à coups de pelle jusqu’à son engin de merde.. Tiens des sirènes dehors…
25 Septembre 2005
Voila ça fait presque un an. Demain je sors de l’hôpital, je suis vraiment très heureux d’aller mieux. Le docteur a dit qu’à présent je pouvais me réinsérer dans la société… Josiane est très heureuse, je l’ai eu au téléphone hier, depuis le divorce elle a refait sa vie avec un garçon sympa et s’est installé près de Marseille. Je regarde les premiers flocons de neige qui tombent doucement,,,, Ma pelle doit encore être posée dans l’entrée,,,, ma pelle……..
...quand la frénésie vous fait basculer tout droit dans la folie : c'est triste et drôle à la fois. Très fort !
Rédigé par : Bibi | 06/12/2005 à 10:11
Effrayant !
Rédigé par : Claire | 06/12/2005 à 14:10
Excellent! Savoureuse montée en pression, chute superbe !
Encore !
Rédigé par : cats | 06/12/2005 à 15:43
Joliment tourné (et très certainement amélioré)en effet mais..
Désolé de faire le rabat-joie c'est une vieille blague qui revient sur le net chaque hiver...
Fait que la chute.. moi je la trouve moins superbe...
Rédigé par : bertrand | 06/12/2005 à 22:00
C'est en effet une vieille blague qui me fait rire tout les hivers, je connaisais le texte d'origine en allemand et j'en avais fait ma petite adaptation.. Je me pose donc la en traducteur officiel de l'illustre auteur allemand d'origine.. Et pour ne pas contrarier votre soucis de vérité littéraire cher Bertrand je rends à César ce qui est à César... Illusttre inconnu teuton je vous rends hommage...
Rédigé par : Dominique | 07/12/2005 à 04:28