Vanessa est immobile devant cette porte massive. Elle n’ose plus bouger. Elle sait pourtant qu’il faudra bien que dans quelques instants elle se résigne à appuyer sur la sonnette. Mais tous ses muscles sont tétanisés, paralysés par l’appréhension. Elle ne peut même pas ôter ses gants et son écharpe qui l’emmitouflent dans une chaleur maintenant oppressante. Elle sent couler le long de ses tempes et de son cou les gouttes de sueur.
Elle inspire profondément et entame lentement le compte à rebours.
10
Tout a commencé il y a dix ans. Elle n’était alors qu’une adolescente paumée, comme bien d’autres. Elle allait sur ses dix-huit ans et ne supportait plus sa vie : la maison, ses parents, le lycée professionnel où elle apprenait son futur métier de coiffeuse. Tout lui semblait terne et insipide. Comme une automate, tous les matins elle se levait, déjeuner, allait en cours ; puis le soir rentrait, dînait et se couchait. Mais, tout, au fond d’elle, criait face à cette absurdité. Elle rêvait d’aventures, d’inattendu, de romance….
Elle l’avait vu à l’arrêt de bus. Il était beau comme ces acteurs de cinéma qui étaient affichés sur les murs de sa chambre. Il avait quelque chose de singulier. Elle n’aurait su dire quoi exactement, mais elle était tombée immédiatement sous le charme. Il ne leur avait fallu qu’une semaine pour faire connaissance et elle ne se souvient même plus comment elle avait atterri dans son appartement. Mais elle se rappelle cette sensation de liberté et de frisson. Tout s’était ensuite enchaîné à une rapidité vertigineuse : les cours auxquels elle n’assistait plus, le renvoie du lycée, la colère des parents, les valises faites à la hâte, la porte qui claque derrière elle.
9
Neuf mois plus tard, elle se retrouvait seule dans la salle d’accouchement. Le prince charmant avait disparu aussi vite qu’il était entré dans sa vie. Ses valises à bout de bras et la graine dans son ventre, elle avait trouvé une place dans un foyer de jeunes mères célibataires. Là, elle avait appris à apprivoiser et aimer le petit d’homme qui grandissait dans sa chair. Mais la honte et la fierté l’avaient empêchée d’appeler ses parents à l’aide. Elle voulait se prouver, elle qui devenait mère, qu’elle n’était plus une enfant. Le jour de la naissance d’Hugo, elle avait ressenti un vide immense.
8
Huit mètres carrés, c’est tout ce à quoi elle avait eu droit. Il y avait tout juste la place pour son lit, le berceau d’Hugo et le bureau où étaient à nouveau entassés les livres scolaires. Poussée par les éducatrices, elle s’était réinscrite au lycée, bien décidée à reprendre sa vie en main. Pendant deux ans, elle avait jonglé entre les biberons, les cours et les stages. A force de volonté elle était parvenue à décrocher son diplôme, mais n’avait eu personne avec qui partager sa victoire.
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