Dans le miroir de sa minuscule salle de bain, son visage s’affichait, joyeuse expression affichée en prévision des réjouissances de la soirée qui se profilait. Légèrement fardée ; un trait noir sur la paupière, les cils noircis par le mascara, une touche de rouge sur les lèvres, la jeune fille se trouvait jolie, ce soir là. Et puis, elle ne su jamais pourquoi, elle se mit à adresser des grimaces à son reflet, tordant d’abord sa bouche d’un côté, plissant l’œil de l’autre, ouvrant large les narines. Elle se contempla un moment, mais cette mine là ne lui plaisait guère. Elle tordit alors ses lèvres en un rictus effrayant, ouvrit de grands yeux exorbités, et se regarda bien en face. L’image lui plu, et elle se fixa dessus, yeux dans les yeux, concentrée sur cette représentation d’elle-même tragi-comique, mi-princesse mi-démon.
Mais, à l’instant de la séparation d’avec son double, elle ne pu détacher son regard du sien, et comme hypnotisée elle s’aperçut que son corps ne lui obéissait plus, figé dans ses membres, visage figé dans cette expression ridicule de sorcière de pacotille. Seulement, rivée à son reflet, elle vit progressivement son visage se transformer. La bouche d’abord se tordit un peu plus, s’ouvrant sur de vieux chicots branlants, des rides se creusèrent brutalement dans sa jeune chair, ses yeux se rétrécirent, ses cheveux bruns devinrent gris sale, secs et cassants. Aller, ça suffit vieille sorcière, se lança-t-elle. Mais son reflet ne l’en regarda que plus méchamment, de ses petits yeux sournois comme courroucés de l’insulte. Cruelle, la vieille ne lâchait pas un mot devant les supplications qu’elle s’envoyait, elle prenait un plaisir pervers à se sentir défaillir sous son impitoyable illusion. Elle ne savait plus qui elle était. Cette vieille a-t-elle pris ma place ? Suis-je elle, moi ?
C’est quand elle vit apparaître aux côtés de la sorcière un gnome ridiculement rigolard qu’elle perdit conscience. Son petit ami ne comprit jamais ce qu’il s’était passé ce soir là, ni pourquoi elle évitait les miroirs à présent…
Joli glissement, c'est très agréable à lire.
Rédigé par : Tubuai | 03/12/2005 à 04:10
Bien passée cette limite du réel à l'imaginaire... Quand les démons qui nous hantent se réalisent par la conscience. Merci.
Rédigé par : serge | 03/12/2005 à 12:37
Ne fais pas trop de grimaces dans la glace ! Dans quel état vais-je te récupérer à Noël !
Rédigé par : Claire | 06/12/2005 à 14:17