Il posa son doigt sur l'interrupteur tandis que derrière lui Sofia retirait ses vêtements un à un dans une série de gestes dépourvus de la moindre sensualité, le regard presque absent, sinon vaguement intéressé par le portefeuille de Emkel sur la table de chevet et sous lequel quelques billets de banque avaient été soigneusement glissés, tel que convenu au téléphone une heure plus tôt.
L’hésitation de Emkel était palpable et la jeune femme, maintenant nue, se tourna vers lui avant d’étirer un bref sourire et lui signaler qu’ils pouvaient très bien faire ça à la lumière, ce ne serait pas pour lui déplaire.
Emkel sourit à son tour. Depuis sa sortie de l’hôpital, six mois plus tôt, c’était la première fois qu’il se retrouvait dans une telle promiscuité avec une femme, si on faisait exception de Armelle, cette exceptionnelle infirmière qui l’avait soigné avec un dévouement tel qu’elle compta pour beaucoup dans son rétablissement miraculeux.
Sans quitter l’interrupteur des yeux, Emkel sentit la présence de Sofia à quelques centimètres de lui. Son désir n’en fut que décuplé, mais pas suffisamment pour lui faire oublier que son propre corps mutilé portait mille fragments d’une guerre qui n’en finissait plus. Un corps qu’il maîtrisait à peine, fissuré de l’intérieur, lacis encore brûlants que seule une dose massive de morphine pouvait calmer.
Une main se glissa sous sa chemise. Chaude et douce, à peine étonnée par ce qu’elle découvrait. Les doigts parcouraient les cicatrices une à une, comme s’ils tentaient d’en décrypter l’effroyable origine. Comme si l’humanité de cet homme tenait dans la somme de ses blessures encore ouvertes.
« Je suis pas douée pour les mots, dit-elle en lui retirant sa chemise. Mais j’ai mieux à t’offrir pour te faire oublier un peu cette saloperie de guerre… »
Le carnet de l'auteur
Commentaires