Au matin d'une nuit passée sous un sommeil d'enclume, comme qui vient d'être littéralement assommé par une mauvaise nouvelle, et alors qu'un départ extrêmement matinal de l'homme pour son lieu de travail (du moins le supposé-je) avait coupé l'herbe du pied de la moindre discussion, assez curieusement, je n'eus de pensées et d'une sorte plutôt obsessionnelle, que pour Jean-Denis.
Alors que jusqu'à présent la nature même de notre relation y compris dans le silence absolue qu'elle traversait depuis un moment déjà, m'avait protégée de ce genre d'attaques sournoises de ma propre jalousie, je me retrouvais à songer non sans serrement de coeur à celle qui devait désormais occuper ses nuits (et ses jours, pour partie ?), celle qui expliquerait son mutisme et sa quasi-disparition, celle qu'il dégoussaillait soir après soir non sans bonheur (et quel bonheur, le connaissant), celle qui d'une façon où d'une autre avait pris ma place, celle dont je souffrais.
Je fus lamentable en cours, sans même aucun espoir que ça ne se voie pas trop, à peine celui que mes interlocuteurs puissent attribuer mon peu de présence d’esprit au prix attribué plutôt qu’à un chagrin personnel à double détente et qui me rendait oublieuse de mes propres phrases. Je perdais sans arrêt le fil de mes pensées ; nerveuse aussi et douloureusement à l'extinction nécessaire du téléphone portable, dont j'espérai la sonnerie comme un noyé une bouée qu'on lui jette.
Même rallumé ensuite, il ne sonna guère. A peine un ou deux textos de collègues attentionnés, et peut-être un peu jaloux, me félicitant pour la distinction reçue.
Je tentais de me dire que je faisais fausse route, que je m'inquiétais pour un homme secondaire, que c'était pour l’heure l'autre qui me quittait, que j’y perdais probablement ma vie quotidienne, que le plus rude était bien là, mais rien n'y faisait. Je pensais à Jean-Denis, au point qu'à l'heure de pause, pendant laquelle je n'avais pas le moins du monde envie de déjeuner, je faillis l'appeler.
Me retins, in extremis.
Ca n’aurait fait que l’agacer, lui aurait déplu et marqué une fin définitive que je n’étais pas alors en mesure d’encaisser.
Ce n'est qu'au soir venu, alors qu'après avoir fait d'une application inaccoutumière toutes les tâches de maman et qui m'incombaient, et que rincée d'épuisement nerveux je m'apprêtais à me coucher dans un lit vide, sans savoir si c'était provisoire, retour de l’homme à une heure tardive somme toute habituelle, ou signe d'un début d'absence autrement plus long, que je me rendis compte que mon tourment égoïste m'avait totalement fait oublier Laurence.
Une fois de plus et sans doute celle de trop.
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