Timidement, Jérémy avait ouvert une porte, s’était laissé pénétrer par l’humeur vibrante d’Émilie. Sa méfiance naturelle des autres s’estompait au fur et à mesure de l’évolution de sa confiance en lui. Il avait bûché dur pour que l’on reconnaisse son talent, fait plusieurs écoles de théâtre, reconnues ou non, tout comme il avait vécu dans différentes familles d’écueils à l’enfance.
Mais à ce moment-là, Jérémy faisait fi de toutes les cicatrices sur son cœur, de tous les récifs sur lesquels il s’était écorché l’âme en recherche d’amour. Émilie s’élevait comme une révélation pour lui, autant émotionnellement que scéniquement. Elle avait un don de compréhension aussi grand que celui de son jeu.
Ils s’étaient rencontrés au hasard d’une audition et à la réalité de leurs sélections. Leurs premiers rôles, obligea Jérémy à se défaire de tous les barbelés de sa personne, des actes si réels de sa part, qu’Émilie en fut autant participante.
Ce qui se jouait en paroles en répétition, se rejouait en action dans le lit de Jérémy. À chaque fois, l’ouverture se faisait plus grande, son amertume s’amenuisait. Il se plaisait à arpenter les artères citadines, à jouir de l’air frais d’octobre dans les pans ouverts de son manteau de laine et sourire aux Juliettes.
Il y eut le soir de première, où Jérémy fit la connaissance du mari d’Émilie et de ses trois enfants. C’est alors qu’il entra en scène avec une telle boule de trac dans la gorge, qu’elle devait être visible du balcon mais, il l’avala au tout premier mot dit. Il fut d’une justesse si convaincante, si désarmante que tous crûrent au moindre détail rendu. L’ovation fut monstre jusqu’au moment où l’hystérie la remplaça. Jérémy ne se relevait pas, le sang lui sortait par la bouche, il avait troqué l’arme factice pour une réelle, quand il su qu’il avait été acteur dans son propre quotidien à son insu.
Le soir suivant un autre nom apparaissait sur l’affiche.
Le carnet de l'auteur
Commentaires