Souvent, je voudrais être seul au monde.
Marche dans les rues, dérangé par le bruit des autres pas.
Je voudrais rêver en regardant le disque rouge du soleil levant jouer avec la tour Eiffel, au-delà des arbres du Bois de Boulogne.
Mais les autres sont là, leur présence m’empêche de penser.
Je voudrais être seul avec mes rêves.
Roule. Une silhouette en jupe et bottes sur le trottoir.
Ne pas chercher à la suivre dans le rétroviseur.
Roule. Faire attention. Attention au passage piéton non protégé. Au feux. Aux priorités. A l’autre passage piéton non protégé, s’arrêter laisser passer un petit vieux, pour le plaisir d’être courtois.
Pour faire chier le conducteur de la Mercedes Classe A qui me suit et s’impatiente.
Feux. Feux. Stop. Feu.
Le bus est prioritaire au départ de l’arrêt. Feu. La « Classe A » s’arrête à mon niveau. Le conducteur est une conductrice, sa jupe est super courte, à moins que la conduite ne l’ait aidé à remonter ? J’aime bien être en monospace. La vue plongeante sur les autres voitures a plein d’avantages. Et d’inconvénients. Je regarde les jambes de la Mercedes et j’oublie de démarrer, cale.
Cette soudure de l’antenne radio a du encore lâcher, FIP est inaudible. Eteindre rageusement le poste, ôter la façade en l’arrachant presque et la jeter en jurant dans la boîte à gants.
Je voudrais être seul sur cet espace ouvert. Le bruit des ordinateurs me gêne. Les échos de la discussion à l’autre extrémité me gène. Les cliquetis du clavier et de la souris de mon voisin m’agressent. Se lever, appuyer sur le bouton « sortie » pour ouvrir la porte. Couloir, tourner.
Autre couloir. Je m’efforce de marcher soigneusement à égale distance des deux cloisons, en regardant droit devant moi, afin que les portes en vis-à-vis disparaissent en même temps de mon champ visuel.
Tourner. Distributeur de boissons. Gobelet, l’esprit s’envole. Goûter au silence du petit local Un groupe arrive pour boire des cafés en discutant bruyamment. Je finis mon gobelet, l’écrase lentement et le jette.
Pas l’open space, de nouveau. Toilettes, m’y abriter. Derrière la porte verrouillée, je s’appuyer contre le mur, se laisser glisser par terre, attendre que lentement l’influx revienne. On secoue la poignée. Encore un qui ne regarde même pas l’indication « occupé ».
Pleurer, peut-être ?
Je voudrais être seul avec mes rêves.
Loin de ces parasites.
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