La jeune femme ouvrit la porte en bois massif qui séparait la sombre petite pièce étriquée où elle avait attendu vingt trop longues minutes que l’on lui fit signe d’entrer, du grand bureau qui s’offrit à son regard dans un brutal retour à la lumière.
L’homme assis derrière un imposant bureau lui dit de prendre place sur le divan situé légèrement en retrait à sa gauche. Il avait une voix profonde et posée, de ces voix qui inspirent le respect et ne donnent pas prise à la distraction. Elle contrastait avec le reste de son apparence, l’homme était malingre, avec un teint jaunâtre et de petite ridules tout autour des yeux et de la bouche trahissant de longues années de pratiques.
La jeune femme, mi-assise mi-allongée sur le divan, sentit peu à peu son estomac se contracter dans l’attente du dialogue qui allait suivre. Ses mains, comme pour exprimer cette contraction interne, s’agrippèrent compulsivement au tissu du divan. « Nous parlions de votre mère je crois, la dernière fois ? ». « Oui… ». La dernière séance avait été éprouvante, entrecoupée de larmes, rythmée par la voix grave de l’homme qui la torturait par ses petites questions assassines. C’est comme cela qu’elle l’avait vécu, et malgré tout elle décida d’honorer son prochain rendez-vous, restée sur la frustration de la phrase rituelle marquant la fin de leurs entretien « Nous nous arrêtons là pour aujourd’hui, mademoiselle ? ».
Cette scène nous la connaissons tous. Mais une chose nous étonne dans le bureau de cet analyste ; le divan est un lit japonais, bijou ramené du pays du soleil levant, où des dizaines d’individus viennent encore aujourd’hui livrer leur âme dans son intimité la plus absolue.
Commentaires