Il était presque minuit lorsque le Boucher arriva au pied de l’immeuble d’Armelle.
C’était une tour située dans un quartier lugubre. Le genre de banlieue qui offre dès le premier contact toute la griserie d’une vie dangereuse, et où l’on rase les murs pour éviter les mauvaises rencontres à moins de vouloir pratiquer les arts martiaux.
La rue était longée de murs gris, culottés par les siècles, derrière lesquels croupissaient de vieux bâtiments compliqués, luisant de crasse, qui s’enchevêtraient bizarrement, et dont aucune fenêtre ne ressemblait à l’autre.
La tour d’Armelle émergeait de ce fatras d’immeubles comme un vieux réfrigérateur au milieu d’une décharge publique. L’architecte qui l’avait conçue devait être mort depuis longtemps d’une cirrhose du foie car de toute évidence, il ne devait pas lésiner sur le pastis lorsqu’il faisait ses maquettes.
Le Boucher crût d’abord que l’immeuble était en cours de démolition. En fait, il l’était, mais ça n’était pas volontaire. Une enseigne lumineuse de Prisunic, à moitié descellée, pendait au dessus de la porte d’entrée et ne luminosait plus du tout. Il était impossible de voir à l’intérieur car la vitre de la porte d’entrée, brisée par quelques balles perdues, était recouverte d’affiches de spectacles qui auraient enchanté un collectionneur spécialisé dans les années trente.
Il n’y avait pas deux boites aux lettres identiques. La plupart d’entre elles étaient descellées ou éventrées et noircies par des tentatives d’incendies. La minuterie était en panne et il gratta une allumette pour consulter les noms des occupants. Il ne trouva pas plus de BELEGGINSMAATSCHAP que de STOETERIJ ou de JUWELENHOF.
Après s’être brûlé trois fois les doigts, il jura contre l’ascenseur en panne, en termes monosyllabiques composant le fameux répertoire des pires corps de garde.
Il ouvrit la cage d’escalier dans l’idée de chercher les noms sur les portes. Il se trouva alors dans l’obscurité la plus complète et ses yeux en chômage technique désespéraient de trouver la moindre petite lueur salvatrice. Point de salut dans ces escaliers dont les ténèbres avaient quelque chose de démoniaque et définitif. Toutes les injures des cinq continents y passèrent, et même celles qu’il n’est possible d’entendre que dans les hôpitaux psychiatriques les plus spécialisés. En particulier, lorsqu’il eut craqué sa dernière allumette.
Il quitta cette tour infernale et se résigna à remettre à plus tard son appétissant dessert Armellisé.
Le carnet de l'auteur
Ton boucher est énorme (c'est un compliment). Ton stylo luminose, ma parole!
Rédigé par : bibasse | 16/09/2005 à 05:38
The night of the fight, you may feel a slight sting. That's pride f*cking with you. F*ck pride. Pride only hurts, it never helps.
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Rédigé par : Alijah | 01/04/2009 à 08:36