Lorsque Albéric Clergue de Montfort déboucha à l’air libre après un long parcours souterrain, il fut d’abord saisi par le vent glacial qui balayait l’esplanade. Mais son premier mouvement fut pour considérer la tout qui se dressait devant lui, si haute que son sommet disparaissait dans un nuage, menaçante dans l’irréalité de ses contours, estompés par la grisaille chargée de flocons épars. Puis, il sentit la morsure de froid et rajusta son manteau pour se protéger. Il expira bruyamment pour se donner du courage et se remit en marche, avançant d’un pas résolu, son lourd fardeau battant son flanc.
A l’approche de l’édifice, le vent forcissait sans cesse, lui arrachant presque son sac. Il se courba davantage et franchit enfin les portes qui s’ouvrirent à son approche. Sans chercher à décoder cet accueil, Albéric s’avança, brossa les flocons accrochés à ses vêtements et chercha à s’orienter. La Tour était immense, et il eut l’impression que dans l’espace où il se trouvait, on aurait pu loger le plus massif des châteaux de ses ancêtres.
Mais il vit bientôt la Marque. Elle le narguait depuis si longtemps, le combat qu’il préparait occupait ses jours et ses nuits depuis des semaines, et c’est avec une angoisse sourde mêlée des premiers frissons de la bataille qu’il reprit sa route dans le dédale de cours, d’escaliers, de passerelles. Il négocia promptement son accession vers les étages supérieurs et, en quelques instants, entreprit l’ascension de l’édifice.
Alors qu’il gagnait de l’altitude, sentant confusément qu’il disparaissait dans les nuages, il s’efforçait de visualiser l’affrontement à venir : il sentait sur son épaule le poids du sac, qui semblait alourdi encore par l’enjeu, par l’arme qui allait lui permettre de construire son offensive. Il supputait les parades des autres, et faisait le compte des ripostes, des bottes à sa disposition, évaluait une dernière fois le poids de ses arguments.
Enfin, une porte s’ouvrit. Il s’avança dans une salle dont les tapis étouffaient ses pas. Une créature affable vint à sa rencontre, l’aida à se débarrasser de son lourd manteau. Il y avait donc des âmes compatissantes en ce lieu ? Elle le guida jusqu’à une autre salle, où il put déplier le contenu de son sac, s’assurer qu’il était convenablement chargé et prêt à fonctionner. Il chercha sa concentration dans la contemplation des nuages qui enveloppaient la Tour à cette hauteur, songeant à tous ses combats que les Clergue de Montfort avaient conduit et remportés, suivant l’exemple de leur illustre ancêtre Simon, impitoyable vainqueur des hérétiques Cathares.
Et soudain, il sentit une présence. Ils étaient là. Il les salua un à un, comme le veut la coutume. Ils échangèrent les formules convenues d’usage et enfin, prirent place autour de l’arène. Le nuage se déchira un instant, laissant entrevoir un coin de l’esplanade de la Défense, tandis d’une touche sur son clavier, il lançait PowerPoint®.
Il allait le leur fourguer ce putain de contrat de Tierce Maintenance Applicative, ça ne ferait pas un pli !
Tu nous a joué un bon tour !
Rédigé par : Oncle Dan | 12/09/2005 à 15:45
Excellent ! La chute est parfaite.
Rédigé par : Fuligineuse | 12/09/2005 à 17:10
Le monde de "l'ingéniérie informatique" est tellement médiéval qu'il eut été dommage de s'en priver !
Rédigé par : Jacques | 13/09/2005 à 10:31
Superbe... En démarrant ton texte, j'ai cru que nous avions eu la même inspiration. Finalement je me suis faite avoir.
Rédigé par : laurence | 16/09/2005 à 05:42