À ces moments-là, je devenais un automate, un horizon saskatchewanais, un élève qui récite une fable trop bien apprise devant ses grands-parents à Noël. Je n’ajoutais pas d’émotions, je savais le récit capable de communiquer les siennes sans mon aide. Mais j’étais un piètre acteur, et l’histoire d'aujourd'hui particulièrement mauvaise. En l’écoutant, madame Chartrand ne pleurait pas. Elle a seulement dit sans trop y croire qu’il devait y avoir erreur, que c’était impossible. Pour toute réponse, j’ai regardé mon pouce droit qui massait la paume de ma main gauche.
Je lui ai menti six mois, en lui assurant qu'elle verrait une dernière fois fleurir les lilas. Après le silence, on a parlé, beaucoup de ses enfants, un peu de la vie qui lui restait, puis on s'est donné un autre rendez-vous. Avant de fermer la porte capitonnée derrière elle, livide, madame Chartrand m'a remercié pour tout le temps que je lui accordais. Je n'ai rien répondu. Dehors, c'était déjà novembre.
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