Mado ayant manqué le temps des cultivateurs de bleuets de Saint-Thomas-de-Caxton, revêtit sa grande robe blanche et partit dans les champs, son petit panier sous son bras. En une heure, elle ramassa doucement de quoi remplir six (6) tasses de ces savoureux bleuets sauvages. Heureuse, elle revint à la maison gaiement, où elle nettoya hardiment son butin.
Une fois cette corvée achevée, dans une marmite démesurée remplie d’eau, elle fit bouillir ses trois (3) pots Mason de deux cent cinquante (250) millilitres pendant dix (10) bonnes minutes, afin de bien les stériliser. Puis elle remisa ces pots dans le four préchauffé à cent cinquante (150) degrés Fahrenheit. Dans un chaudron, elle fit bouillir ses minuscules fruits, mélangés à une demie (½) tasse d’eau et trois (3) cuillérées à table de jus de citron, tout en brassant constamment avec agilité, pendant dix (10) bonnes minutes. Elle ajouta deux (2) tasses de sucre qu’elle incorpora au mélange. Elle remua toujours sa savoureuse mixture, portée à ébullition, pendant au moins cinq (5) minutes; en fait, jusqu’à ce qu’elle commence à épaissir [la mixtion, pas Mado]. Simultanément, dans un autre poêlon, elle fit bouillir de l’eau, dans laquelle elle jeta les couvercles des ses pots de confiture, pour bien les stériliser à leur tour, mais pas trop longtemps, cinq (5) minutes au maximum.
Elle sortit les pots du four, les remplit de confiture aux bleuets sauvages, mais pas trop, laissant environ un quart (¼) de pouce d’espace avant le rebord du bocal. Avec une petite spatule de bois, elle fit le tour des pots afin de retirer les bulles d’air qui s’y logeaient possiblement. Mado, excitée de tout son ouvrage, avait chaud, terriblement chaud. Sa robe élégamment tachée ne lui était d’aucun secours : elle transpirait à grandes gouttes, tandis que sa langue goûtait la sueur salée qui perlait au-dessus de sa lèvre supérieure. Mado, tremblant délicatement, nettoya le bord de ses bocaux, puis, prestement, elle mit les rondelles SNAP sur lesdits pots, puis les bagues, en veillant à ne pas trop les serrer, tournant jusqu’à ce qu’il y ait un peu de résistance. Avec un amour maternel, elle replongea ses pots ainsi couverclés dans la gigantesque marmite d’eau bouillante, les laissant à leur sort dix (10) minutes durant. La vapeur et la chaleur envahissaient la cuisine devenue sauna. Toujours avec autant de finesse, elle les sortit de leur eau, et les déposa. En quelques instant, grâce à l’habile adresse de Mado, chacun des pots fit retentir son pop! caractéristique, scellant leur destinée à celle de leur amie pour l’automne et l’hiver, à tout le moins…
Exténuée, comblée, Mado se laissa choir dans un fauteuil, une jambe par-dessus le bras dudit fauteuil, la tête repoussée, les cheveux en broussaille, la robe frippée, maculée de bleuets et de sueur, essoufflée. Elle trouva quelques traces de son entreprise, qu’elle essuya du bout des doigts et qu’elle préluda de sucer délicatement, laissant sa langue caresser chaque saveur.
Dieu qu’il était bon d’enfin goûter de cette confiture-là!
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