Alice ouvrit les yeux. Six heures du matin, et elle s’était couchée à deux heures passées. Ce n’était pas une vie. Elle s’assit au bord du lit, puis rassemblant ses forces, se dirigea vers la salle de bains. C’est là que l’attendait son épreuve quotidienne, la rencontre avec son miroir.
Elle soupira et se rafraîchit le visage avec de l’eau avant d’affronter le juge implacable qui l’attendait. Puis elle releva la tête et le défi renouvelé. Cette ride, était-elle déjà là hier ? Ces poches sous les yeux, sûrement pas ; résultat du manque de sommeil, de l’abus d’alcool et des prouesses (plus rapides que satisfaisantes) de son nouveau petit ami, Jeannot Lapin. Elle l’avait rencontré dans ce bar un peu glauque, le Terrier, ça s’appelait. Vraiment, elle se demandait ce qu’elle faisait avec ce type, elle, Alice, une femme aussi brillante qu’elle. Elle aurait pu avoir tous les hommes qu’elle voulait : le Chapelier, Humpty Dumpty, Lewis Carroll et tant d’autres. Elle aurait pu, autrefois, car maintenant elle n’était plus que cette femme ravagée, à la peau fanée, aux yeux creux, qui devait se forcer chaque matin pour se reconnaître dans l’image incrédule que lui renvoyait son miroir.
Alice ferma les yeux un instant, puis elle saisit le miroir et le retourna face contre le mur. Aujourd'hui au moins, elle aurait eu le dessus sur ce maudit reflet.
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