Alice hésite. Elle se trouve face à deux bars, deux établissements semblant présenter sensiblement les même services, précédés d’une petite terrasse à laquelle s’attardent quelques personnes. Elle se dirige finalement vers celui se trouvant sur sa gauche, au hasard. Assise seule à une petite table ronde, un café tiède posé devant elle, la jeune femme semble bien pensive, le regard perdu ne se fixant sur aucun objet, une moue boudeuse au coin des lèvres. Un regard triste, quand on y regarde de plus près, le regard triste d’un grand vide ne cherchant pas à se combler.
Son téléphone portable, qu’elle garde dans la poche arrière de son jean, se met à vibrer doucement, et elle hésite encore une fois à s’en saisir, redoutant d’entendre la voix aimée et haïe, la voix de la vie et de son désespoir. Mais elle le prend dans sa main et le colle à son oreille, son regard s’emplit un instant d’une lueur fugace, un éclat bleu intense, une étincelle éphémère.
Un chuchotement, la bouche qui se tord douloureusement, le téléphone regagne sa place.
Alice sanglote silencieusement, le regard fixe devant elle, les larmes brillant sur la rondeur pâle de son visage. Et puis ses yeux en rencontrent d’autres, des yeux tristes et vides, qui ne sont pleins que de larmes. Elle se regarde dans la vitre qui lui fait face, ses lourds cheveux auburn en casque, sa peau si blanche, son nez qu’elle considère comme le point d’orgue de sa banalité, son menton trop pointu, son grain de beauté au dessus de l’arcade sourcilière gauche. Elle caresse machinalement ce petit bout de chair sombre, elle le prend entre pouce et index pour en apprécier encore une fois l’ovale parfait, la douceur étonnante. Non, ce visage n’est vraiment pas joli, se dit-elle. Il n’y a que mes cheveux… Elle y passe une main, doucement, elle écarte les doigts pour l’y immerger entièrement, elle en enroule les extrémités comme le font les jeunes filles.
Son café est maintenant froid. Et intact.
Elle fouille dans son sac pour en extraire un paquet de cigarettes, elle s’agace de ne sentir sous ses doigts qu’un livre de poche et ses clés, son portefeuille. Elle a oublié ses cigarettes, justement ce jour où l’angoisse la pousse à se nourrir de fumée, comme si elle pouvait chasser ses larmes qui, elle le sent, commencent à perler à nouveau au coin de ses yeux. Elle dépose une pièce de monnaie et se lève précipitamment, sort du café et se trouve face à face avec une jeune femme devant laquelle elle s’immobilise tout aussi brusquement.
Cette femme c’est elle. Est-ce moi ? pense-t-elle affolée ? Est-ce elle entre deux larmes ? Ou est-ce ma raison qui défaille ? Ma douleur qui se projette en image ? L’ai-je créée pour m’éloigner de moi ? Suis-je toujours dans mon corps ?
Un voile noir, la tête prise dans un grand vertige, Alice s’effondre au milieu du trottoir.
Ne ratez pas Alice de l’autre côté du miroir.
Merci J'aime énormément ton texte. Est-il autobio ?
Rédigé par : Claire | 23/07/2005 à 12:02