Ephéméride.
Ta voix à mon oreille, au fil des soirs d’absence, me reporte dans le rouge d’une chambre d’hôtel. Hologramme d’amour.
Depuis plusieurs mois, tu articules ta vie, bouche oreille collées au portable de plastique. Tu me décris tes jours, tes soirées, tes rencontres, heureux de suivre la marche de tes concitoyens.
Ton souffle me parvient, tes paroles se coupent et puis se désintègrent, dans la cacophonie d’une ville qui coure. Tu cherches le relais pour combler la distance, et me demandes d’attendre le jour de ton retour.
Comment parler d’amour en oubliant le corps ?
Sais-tu que chaque soir, entre pouce et index, la feuille blanche du jour se détache du mur ? feuille en boule dans ma poche.
Sais-tu combien de fois, je me mets à rêver, qu’au gré d’un courant d’air, les feuilles légères s’envolent pour s’arrêter soudain, sur les jours marqués d’une épaisse croix rouge. Jours rouillés dans mon cœur.
Comme un funambule, j’avance pas à pas, sur le fil des jours au rythme de tes mots.
Certains soirs importuns, devenant si présent le corps se fait lourd, les jambes se tétanisent et sur la corde raide, ma voix tremble sur la ligne. Le silence est de mise.
La tension est trop forte. Paroles désincarnées, mes lèvres se resserrent.
J’ai envie de hurler la douleur déchirante de l’attente, dévoreuse des chairs, carnassière et tranchante, en l’absence de ta bouche, des caresses de tes mains, du partage des sens dans l’emboîtement des corps. Le temps recouvre ma peau en l’absence de ton corps.
Il me faut sortir, m’extraire de ces murs froids, impossible de répondre à la distance des corps, éclater le carcan d’un corps crépusculaire, redonner l’oxygène à la tête qui s’affole. Retrouver l’équilibre, la légèreté d’hier, ne pas regarder en bas et oublier le vide, oublier que le ventre réclame sa pitance, les tenailles de la faim qui déchirent les jours. Me sentir vivre, aussi, en dehors de toi.
Dans la poche arrière de mon jean, froissée, la dernière page vierge de mon éphémère ride.
Le carnet de l'auteure
j'aime beaucoup le rythme de ton texte et ta description du manque. Je m'y suis reconnue. Merci.
Rédigé par : laurence | 04/06/2005 à 08:30
Merci de ton commentaire qui me touche, car j'ai vraiment eu du mal à "sortir" ces mots de souffrance, à mettre les mots les plus proches de ce que je ressentais.
Rédigé par : chrysalide | 04/06/2005 à 14:35
parfois le manque del'autre nous innonde et la sensation de noyade devient trop forte; il faut alors cracher au plus vite cette douleur avant qu'elle ne nous étouffe.
Rédigé par : laurence | 04/06/2005 à 14:47
"Sais-tu que chaque soir, entre pouce et index, la feuille blanche du jour se détache du mur ?"
J'aime beaucoup cette phrase. Elle est entre poésie (la page blanche du jour qui se détache serait une métaphore du couché de soleil) et réalité (la page de l'éphéméride)... C'est probablement lié au choix du mot "jour".
Rédigé par : Sok | 05/06/2005 à 18:48