Un gros mariage
Pour Alen
Premier scotch
La maudite maison de banlieue de mes parents est toujours aussi platte, même en toxedo. Il est 14h30 et j’attend que mon frère descende de sa chambre, un sourire épais étampé dans la face, pour aller devant l’autel. Dans le salon, il n’y a pas un son, tout est immobile, plein de soleil, des gouttes de condensations se forme sur mon verre. Je suis seul… Il y a quelques semaines, nous aurions été deux au mariage de mon grand tarla de frère. Elle est parti avec les enfants… j’ai un peu couru après.
Deuxième scotch
Après deux ans de projections intensives des séries Harry Potter, Star wars, Dora l’exploratrice, Caillou, Caroline et ses amis, Yugi-Oh, Bayblade, Pokémon, Beast war, Atomic Betty, Harry et ses dinosaures, Casimir, puis un abonnement au câble exclusivement pour Télétoon (ce qui avait comme avantage que je n’avais plus à changer les cassettes), elle a commencé à penser que le travail de père ne m’intéressait pas vraiment. Elle en a été certaine quand je lui ai dit que je ne voulais pas d’un troisième, à moins que quelqu’un d’autre l’élève à notre place.
Ma mère glousse à l’étage. Le tapon a dû réussir à faire quelque chose qui ressemble vaguement à un nœud papillon. Le grand tata descend, mon père le suit, trop serré dans sa chemise neuve dont les boutons menacent de me crever un œil. Ma mère doit sûrement brailler dans la salle de bain. À grandes claques dans le dos, le crétin exprime sa joie de futur marié… mon poing est fermé, puis je me dis que ce serait dommage un nez cassé le jour de son mariage.
Vin de messe
Une cérémonie minable dans une église minable, un ancien baraquement militaire dont l’armée canadienne ne voulait plus, c’est tout dire. Après la troisième fois, j’ai renoncé à me lever… sur les bancs de la parenté ça parait quand même un peu mal. Ma mère me donne des coups de genoux, mon père fait semblant de rien… je fini par somnoler, c’était ça ou rire du chanteur et de l’organiste qui jouent faux.
Troisième verre de champagne
Je regarde mon frère et son air de cave serrer les mains des invités qui arrivent à la réception. Elle a l’air de l’aimer… lui ? Je m’ennuie de Rox et des enfants. Elle prenait, avec moi, parti contre mon frère. On en aurait ri ensemble ce soir, mais maintenant je n’en ai même plus la force. Quand les oncles, ébahis, me demandent comment on a réussi à placer le mongol, je n’ai même pas la force de pousser une craque pour alimenter leur conversation.
Cinquième verre de vin
On déssert quelque chose qui ressemble à du fromage. Le gâteau arrive, une énorme pièce montée dégoulinante de blanc et de rose avec le traditionnel petit couple en plastique sur le dessus. Alors que, depuis le début de la soirée, la foule fait tinter ses verres avec de gros rires gras pour que les mariés s’embrassent, le grand cave indique par le même geste qu’il veut parler. Il doit attendre quelques instants que la confusion ne se dissipe, ainsi que les cris de désappointements des convives qui souhaitaient pour la Xiéme fois que les mariés s’embrassent.
« Chers parents et amis (c’est probablement sa blonde qui a écrit son discours…) Je vous remercie d’être présent en si grand nombre. Papa, maman, merci de votre présence, beau-papa, belle-maman aussi (le mariage le rend têteux), mon frère, même seul merci d’être ici… »
Je suis vissé à mon siège, le tabarnack a osé souligner que j’étais seul. Je n’écoute plus le discours qui, de toute façon, est soi épais soi insignifiant… il faut faire quelque chose d’autre que de lui sauter à la gorge pour l’étouffer.
Troisième cognac
Les oncles désserrent leur ceinture, les tantes s’essuient la bouche et tous les films de mariage me reviennent à l’esprit. Je prend ma petite cuillère et je me met à taper frénétiquement sur mon verre en me levant du mieux que je peux. Après que mon frère ait embrassé sa femme et que les invités aient encore une fois ricanés, je me lance.
« Cher parent, chers namis, chers… cossins… Il est de tradition qu’à un moment de la soirée, le beau-frère, moi, très saoul, oui, se lève et raconte les pires insanités sur le marié et son épouse… Je dois dire qu’enfin, on a réussi à placer le grand crotté et que je zuis très surpris… (Je dois m’accrocher à la table pour ne pas tomber) Le connaissant particulièrement très bien, je ne comprend pas très exactement ce qu’on peux lui trouver. Chère Ta… Ju… chose… t’es une fille vraiment courageuse ou crissement inconsciente… »
J’ai continué sous les applaudissements et les rires jusqu’à ce mon frère me saute dans la face et que je m’effondre dans le chaos le plus total au milieu des chaises et des restants de désert. Mon père et l’oncle Émile m’ont traîné par les épaules jusqu’à la voiture où ils m’ont laissé seul, le temps de trouver les clefs et quelqu’un en état de conduire. Après que j’ai eu abondement vomi dans le gravier, un camion de Fedex vient se stationner juste à côté. On m’a conté après coup que le cousin Seb avait trouvé que c’était une idée absolument lumineuse que de faire livrer un cadeau pendant la soirée…
J’ai regardé le camion et le camion m’a regardé, les clefs étaient encore sur le contact. Allé chercher Rox… En engueulant les routes pour qu’elles arrêtent de bouger j’ai pris le clôt quelques mètres plus loin…
J’ai vomi le plat principal et j’ai pleuré.
Le carnet de l'auteur
Trop bon ! J'achète ! (Même si c'est pas un camion de Fedex mais bien d'UPS. Tu devais être vraiment chaud) !
Rédigé par : Patrick | 29/05/2005 à 10:30
Bien amer, très cinématographique ... beaucoup aimé !
Rédigé par : sylvie | 30/05/2005 à 08:47