Mais quelle idée farfelue lui était passée par la tête ? Estelle, face à la montagne de vêtements éparpillés sur son lit, ne comprenait pas pourquoi elle s’était levée ce matin avec le projet fou de faire le tri de ses vêtements.
Accumulés au fil des ans, ils semblaient la narguer, en rang serrés, prêt à livrer une bataille dont ils se savaient d’avance vainqueurs. Non qu’Estelle soit une dépensière invétérée, mais elle ne pouvait se résoudre à se séparer de ces lambeaux d’elle, de ces échantillons de sa vie. Cette petite robe verte, par exemple, qu’elle portait le jour de la naissance de sa nièce ; et ce joli caraco bleu qu’elle avait acheté lors d’un voyage en Italie ; ou encore cette salopette improbable achetée avec Annie avant que celle-ci ait son accident.
Estelle était pourtant pleine de bonne volonté. Elle avait même préparé un grand carton pour y déposer toutes les fringues qu’elle avait prévu de vendre ensuite. Mais à chaque fois qu’elle attrapait un vêtement, les souvenirs affluaient et l’inondaient. Jupes, pantalons, boléros, vestes, chemisiers, écharpes… Tous étaient associés à un lambeau de son existence. Assise au milieu des tissus, elle faisait l’inventaire de sa vie. Elle ne pouvait même pas se résoudre à donner ceux qui lui évoquaient des périodes plus sombres.
Elle en était là de ses réminiscences, quand elle vit, perdu sous les foulards et les chandails, un morceau de toile qui ne lui rappelait rien.
Intriguée, elle délogea de son repaire l’objet en question. Un jean. Des jeans, elle en avait peu, celui-ci aurait donc du lui dire quelque chose. Pourtant, elle avait beau fouiller dans sa mémoire, impossible de savoir comment il avait atterri dans son armoire. Non, vraiment, ce pantalon n’était lié à rien.
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