- Je me prélasse de ma lassitude, ô si tétanisante.
- De quel sort empirique faites-vous l'objet, enfant?
- Je ne puis vivre hélas, qu'en quêtant la charité au travers du royaume.
- Et pourquoi ce triste destin a-t-il affublé votre cœur?
-Ah! Je ne sais pas, je ne sais plus, les blanches vérités coulent d'entre mes doigts ainsi qu'un sel fin. Je suis sans certitude, sans autre grande velléité qu'un vague désir de ravissement; cette inexorable peine charcute mes sens qui se perdent dans autant de mièvres distorsions que d'échos des chansons féminines qui transpercèrent hier les nuits trop anthracite.
- (petit rire rigide) Je ne puis faire autrement que d'anéantir sobrement le peu de considération que je portais encore à votre égard. Vous vivez dans le plus obscur recoin du domaine car vous n'avez su être ébloui d'une lumière trop éclatante; Trêve cagneuse de mes fausses luxures, vous êtes l'emblème du pathétisme que tous cherchent à fuir. Qu'est donc qu'une vérité d'ailleurs? Est-elle autre chose qu'un simple jeu d'éclairage étayant le noir velours de l'esprit imperméable?
Souriez aussi, car l'insondable vous guette comme la peste mon enfant.
- (songeur) Je ne suis pas le Styx pour t'embrasser neuf fois…
-Quoi?
- Je ... Je ne suis pas votre enfant, vielle homme; simplement un autre amas de chair délétère qui se putréfie mollement, qui se masque tacitement derrière les palissades de votre royaume pour jouir en secret de ma vaillante décrépitude. M'incorporant ainsi au décor tel un vulgaire tache de moisissure. Voulez-vous du putride pour fils? Ou préférez-vous peut-être le vide qui suce le temps?
-Vos questions sont idiotes, vaines comme vous et votre odieuse vie! … Je .. je..
-Certes.
-Non enfant, non...tout.. Tous les jours suivants cet instant que j'aurai passé sans excuser cet affront auront été gaspillés, perdus dans l'abîme de l'Austère cyclothymique.
- Ainsi soit-il, mécréant narcissique.
(Le jeune homme – comme on l'imagine – est toujours accroupi dans l'ombre, masquant son corps flasque de sa longue toge brune, le père lui, sillonne la pièce en fixant le sol d'un air grave et pensif)
-Mon fils, j'ai compris! Enfin, le sens de vos diffuses mélancolies.
- Le sens? C'est bien sous-estimez le Mal que de le croire naissant d'une unique tragédie. Mais allez, ne serait-ce que pour animer l'effroyable désarroi de vous voir en déclin…
- Lorsque vous fermez les yeux, et que le visage de vos idoles mythiques se dessine imperceptiblement, c'est là que vous commettez votre plus grossière erreur. Voyez-vous chérubin, il n'existe, comme vous persister à le croire, d'unique Totem, haut et flamboyant, gracieux et fastidieux par ses vérités pures qu'il eût vomies sur une foule en transe, aux yeux mi-clos portés d'une insoutenable euphorie.
(La lumière du jour, comme un soupir ténu, pénètre, pour le temps d'une simple pensée, d'entre les lattes de la fenêtre et va s'échoir sur le visage livide du garçon dans sa pleine surprise)
-Ne parcours pas le monde ou même l'abscons à la recherche de cette icône, comprends qu'elles sont toutes en mouvances, instables, lancinantes, et frugales dans leur pleine absence d'absolu. Il n'est de nul lieu où un dieu bienveillant t'intronisera aux nouvelles clameurs.
-Quoi, quoi faire alors?
- Ne souhaites plus et laisse se mourir ce feu rance que les hommes déments appellent espoir, puis noie toi scrupuleusement dans de factices félicités jusqu'à ce que tu dédaignes ton âme, et là, mon fils, ayant vomi ta personne, tu comprendras, oui, c'est seulement là qu'enfin les images miroitantes et les plaintes sonores te fatigueront, vraiment.
Quelle belle manière d'utiliser le français :)
Rédigé par : LaMoRaK | 09/04/2005 à 10:34
j'ai composé ce texte d'un trait, sans jamais regarder les mots qui venaient d'être étalés, j'écris rarement à cette vitesse (même avec 3 cafés ds le corps) mais je crois quand même apprécier le style "garroché" du texte en question.
Je venais de clore une conversation téléphonique avec un vieil ami qui, comme depuis trop longtemps, semblait encore déprimé, vidé de toute vigueur. Avec un timbre de voix tremblotant qui m'e déchiré le coeur...
Et enfin, je suis content qu'au moins l'un d'entre vous ait aimé.
Rédigé par : canard | 09/04/2005 à 20:45