Comme il y a 20 ans, en ce jour commémorant notre première fois, c’est toi qui a préparé le dîner, un dîner de premier avril, plein de surprises gustatives charmantes. Tu aimes me faire des surprises. Et c’est toujours très réussi.
Ce soir tout a été parfait. Un régal des yeux et des papilles. Quelle invention ta dorade au cacao amer !
Et puis, il y a cette musique douce et lancinante qui meuble notre décor feutré. Les ombres de la pièce où dansent des bougies.
- J’ai froid.
Je ne suis pas sûre d’avoir prononcé cette phrase à haute-voix. J’ai l’impression d’avoir du plomb dans la bouche.
En reposant ma tasse de thé, je l’ai renversée. Elle gît, de guingois, sur la table basse et la flaque de liquide brun me regarde d’un œil torve. Qu’est-ce que tu disais déjà ? Ah, oui ! C’est le printemps ! Le regain. Et …. ?
Tu vas partir ! Oui, c’est ça, tu pars… tes bagages sont déjà dans l’entrée. Tandis que je dégustais le thé que tu m’avais préparé (un japonais très amer comme j’aime), tu m’as montré des papiers, je ne sais plus trop quoi. Un billet d’avion. Une police d’assurance aussi. Mon nom inscrit dessus.
C’était quoi cette police d’assurance ?
Tu parles. Tu n’arrêtes pas de parler. Tes mots me parviennent au ralenti, emmêlés dans la musique, distendus par une épaisseur d’ouate. J’ai la nausée. J’ai froid aussi. Tu entends ? J’ai froid. Tu t’agites en tous sens. J’ai peine à suivre tes déplacements. L’ombre avale ton corps. Me rend quelques bribes de mots.
Tu parles de ton départ, de mon chagrin…. Suicidaire, dis-tu. Qui est suicidaire ?
C’est un cauchemar. Une blague grotesque. Je n’arrive pas à m’extraire de ce fauteuil.
La flaque de thé s’est agrandie sur la table basse. Elle s’étale vers le bord. Elle perle sur le tapis. Goutte à goutte.
Comme mes battements de cœur.
Pop, pop, pop !
Il faudrait que je fasse quelque chose. La tapis va être fichu. Il faudrait...
Mais tu ne vois rien. Tu parles, tu parles et tu ne me regardes même plus. Enfin… juste avant de passer la porte, tu te retournes et tu me souris en faisant un clin d’œil.
Si c’est une blague, tu sais, elle n’est pas drôle.
J’ai froid.
J’ai…
Absolument splendide. C'est tout a fait le style d'histoires sombres et glauques qui me ravissent. Quand j'ai écrit le mien j'avais hésité entre la version publiée et une autre ou un poisson d'avril tourne mal (style poison dans la bouteille d'évian)avec le décès de l'héroine et l'enfant (4/5 ans) au-dessus disant "poisson d'avril Maman! Maman?"
Mais le tien est vraiment très savoureux.
Rédigé par : laurence | 31/03/2005 à 11:54
j'adore itou!
Rédigé par : julius rosenburger | 31/03/2005 à 16:23