Mon corps cherche à s’anéantir. Consciemment, inconsciemment, mon corps ne cherche qu’à atteindre son apogée : la mort. Tout mon être tend vers le néant. Thanatos s’est épris de moi. Pourtant, j’ai un souffle de vie. Oui, malgré mes perpétuelles confrontations quotidiennes avec la mort, je vis, je vois, j’entends, je sens et j’aime. Ainsi Éros aussi s’est épris de moi. Or, si mon corps tend vers la mort, mon esprit est tout autre. Il cherche à s’imprégner de l’univers pour mieux s’y immortaliser. Éros m’a chuchoté aux oreilles des phrases mystérieuses, comme quoi lui, il était éternel, comme quoi moi aussi je pouvais l’être. Moi aussi? Thanatos lui, on le connaît bien. Plus logique, plus froid, plus… démoralisant. « Non Robin, tu mourras et tu retourneras en mon sein, une autre partie du néant, il n’y aura plus rien ». Plus rien? Logique avais-je cru, raisonnable…
Ma vie n’est donc qu’un triangle amoureux entre mon être, la vie et la mort. Trois dieux qui s’obstinent à se posséder l’un l’autre. Une guerre, un peu cruelle, mais parfois bien agréable, et qui laisse ses traces.
La vie, la mort, les deux se frappent donc au néant, à l’infini. Et mon être aussi. La conclusion de ce triangle amoureux, c’est justement en ce lieu. Lieu de déception, d’émerveillement, d’ignorance, tout dépend de quel œil – le mortel ou l’éternel ou l’autre entre les deux, le moi qui ne sait rien. Cet espace sombre de l’esprit, indescriptible, insaisissable par l’esprit, le néant, dans son éternité, engouffre tout tel un ogre insatiable. Il détruit la pensée, détruit l’amour. Et c’est de lui que la pensée se reconstruit, que l’amour reprend flamme. Mon être est donc fait de ce néant, il en est composé. L’éther qui entre en moi, vital, ressort en gaz mortel. Je me vide de lui en désirant vivre et aimer, je m’emplis de lui à courir, peut-être malgré moi, vers le crépuscule.
« Car tu es poussière; et, dans la poussière, tu retourneras » (Genèse 2:7; 3:19).
Le néant, n’est-ce pas Dieu? N’est ce pas de là, que tout a commencé et que tout finira? De là que je suis venu et là où je m’en vais? Et ne suis-je pas moi-même, ontologiquement, le néant? Ne suis-je pas Dieu?
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