Je me réveille en pleine nuit… Une tempête! J’aime bien les tempêtes, quand ça roule, ça bouge, ça tangue… Le mouvement va presque jusqu’à me donner un «buzz» : l’impression d’être soûle, sans avoir pourtant pris une goutte d’alcool.
Mais cette nuit, il me semble que ça y va un peu fort. Les tempêtes, c’est normal en novembre, dans l’Atlantique Nord. J’y suis habituée. Ça ne m’empêche pas de dormir et je ne connais pas le mal de mer. Mais cette nuit, je ne sais pas pourquoi, mon imagination part au galop.
Je jette un coup d’œil vers ma ceinture de sauvetage. Oui, elle est bien rangée à son endroit habituel, prête à être utilisée. Ainsi que mon habit de survie. Notre navire est solide, il en a vu d’autres. Mais il a tout de même près de 30 ans.
Je ne peux m’empêcher d’être vaguement inquiète tout de même. Que se passe-t-il??? Je m’habille et je sors de ma cabine. Tout est tranquille, comme d’habitude. On entend la vaisselle brasser dans le mess, un objet frapper à un rythme régulier sur un mur, mais c’est normal, ça fait deux jours que nous sommes dans les vagues. Ça ne réveille plus personne.
Il est deux heures du matin. Je décide d’aller voir en haut, pour en avoir le cœur net. En arrivant aux escaliers qui mènent à la passerelle, je rencontre le capitaine qui en arrive. Il joue le surpris de me voir, et se moque de moi parce qu’il croit que j’ai peur. Peuh! Allons donc!
Le capitaine est un crétin. Je prétexte un petit creux, je me dirige ostensiblement vers le mess et attends qu’il soit reparti dans sa cabine pour reprendre mon chemin pour voir ce qui se passe.
De belles vagues! L’eau reluit, ruisselle, émergeant du noir, lorsqu’elle passe sous nos feux de position. Le deuxième maître a mis la salle des machines en position «stand-by». Nous avons ralenti à 6 nœuds. Nous sommes en train de changer de course pour offrir un angle moins abrupt à la furie de l’océan. Le capitaine est un crétin mais il connaît son boulot. Tout va se calmer. Je rentre à ma cabine.
Mais dehors, le vent continue de hurler. Si le pire arrivait, il y aurait bien sûr une panne de courant. Il ferait noir. Je vérifie les batteries de ma lampe de poche. Je m’habille de plusieurs couches bien chaudes, au cas où : il fait froid, dans une chaloupe, en novembre… Et je me recouche tout habillée, la lampe-torche sous l’oreiller, prête à bondir, telle une James Bond en (pas en jupons certain) chienne de travail et bottes de construction, pour guider tout le reste de l’équipage vers les chaloupes de sauvetage, les sauvant ainsi d’une mort atroce.
Et c’est sur cette image héroïque de moi que je m’endors finalement, satisfaite, et presque déçue le lendemain, au lever du soleil, quand rien de spécial ne s’est produit…
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