Formation : Baccalauréat en journalisme
Fait de la critique depuis... 2003
Titre : Pupitreur et critique musical au Devoir et animateur de FrancoPhil à CIBL.
Citation : "Tu penses toujours aux lecteurs. Mais quand l'heure de tombée approche, tu penses surtout à avoir des propos cohérents. Tu penses surtout à toi finalement."
Curieux, drôle, ouvert, Philippe Papineau a rapidement pris le chemin du Devoir après ses études en journalisme où, en plus de travailler au pupitre, il couvre aujourd'hui la scène de la musique émergente, principalement québécoise.
Au commencement...
Il y avait un étudiant en journalisme dont l'un des profs a remarqué le talent et la facilité pour la mise en page. Avant même la fin de son baccalauréat, en 2003, Philippe Papineau commence à cumuler différents postes au pupitre du quotidien de la rue de Bleury. En parallèle, sa passion pour la musique émergente prend racine dans son engagement à CIBL où la vaste discothèque nourrit depuis quelques années déjà sa curiosité. Au départ de Bernard Lamarche, critique en arts visuels et en musique au Devoir, Philippe s'installe petit-à-petit dans les pages culturelles. C'est en 2004-2005 que sa participation se régularise.
Travailler pour un journal indépendant
Manifestement fier du quotidien pour lequel il travaille (qu'il compare à une petite PME créative), Philippe Papineau parle avec bonheur de la liberté qu'il trouve au Devoir où il propose lui-même la très grande majorité de ses sujets. Il apprécie, de plus, la place que le journal accepte de donner à la scène indépendante: "On dirait qu'entre indépendants on a tendance à s'aider. Ce n'est pas institutionnalisé, c'est intuitif. Comme un réflexe."
Pourtant, tout n'est pas parfait. Le Devoir est un petit journal qui manque de moyens et qui doit constamment faire des choix déchirants. Philippe évoque les critiques de disque du vendredi qui comptent 1000 caractères, espaces inclus. C'est court... "C'est un peu frustrant" explique-t-il "c'est peu payé et, faire court, ça prend beaucoup de temps." En effet, on n'écoute pas moins souvent un album sous prétexte que la critique sera courte. Après trois ou quatre écoutes, un peu de recherche, les 1000 caractères déboulent vite. En plus, quand on écrit à propos d'artistes peu connus, on ne peut pas négliger la mise en contexte parce que les gens doivent d'abord savoir de quoi il retourne, avant même de connaître l'opinion du critique.
D'ailleurs, est-ce qu'on écrit une critique d'abord pour les artistes ou pour le public? Aucune hésitation possible, c'est pour le public qu'on écrit. Alors on ne peut pas lésiner sur ce qui lui permettra de bien comprendre ce dont il est question, le contexte justement. Évidemment, ça implique des choix et ce sont souvent les considérations plus techniques qui ne seront pas évoquées dans l'article.
Et les artistes? Il pense aussi à eux. Un peu. Sa seule règle d'or: n'écrire que ce qu'il serait capable de leur répéter en face-à-face. Si tous les critiques soulignent la petitesse du milieu culturel québécois, Philippe Papineau insiste sur la taille particulièrement restreinte et le réseau tissé serré de la scène émergente. Les attachés de presse, les producteurs, les artistes eux-mêmes, il les croise partout. Il faut vivre avec cette proximité parfois dérangeante.
Défenseur ou critique de la scène émergente?
D'autant plus que certains peuvent confondre les rôles et s'imaginer qu'un critique, parce qu'il s'intéresse à la scène émergente plus fragile, devrait toujours être positif. Y a-t-il une ambiguïté? Philippe admet qu'il fait ce métier pour que cette scène émergente, qui l'intéresse et le rejoint, soit mieux connue. Sans tomber dans la promotion (avec son côté mercantile), il espère participer à la mise en lumière du milieu.
Alors, si un disque n'est pas vraiment bon, qu'est-ce qu'on fait? Philippe explique qu'il est impossible d'avoir des critères uniques. Si une sortie est précédée d'une campagne de promotion importante ou encore d'une rumeur très favorable, il sera tenté d'en parler même si le résultat n'est pas concluant. "Mais je ne ferai pas une critique négative d'un artiste que personne ne connaît sauf sa mère." En tout cas, pas dans Le Devoir où il estime que son public est beaucoup plus large qu'à CIBL.
Son espace dans Le Devoir, il aime mieux le consacrer à faire sortir de l'ombre des albums réussis. La critique dans les médias grands publics doit contribuer à ouvrir les perspectives et il aimerait qu'on fasse plus de place à ces sons différents à la radio et à la télévision pour habituer l'oreille du public à la diversité. "C'est sûr que si tu leur fais bouffer du miel à tous les jours, les gens hésitent quand tu leur fais goûter quelque chose de moins sucré. Mais ça s'apprend."
Le 2.0: révolution?
Est-ce que les médias sociaux peuvent changer la relation avec le public? Pendant le Festival d'été de Québec, Philippe Papineau s'est démarqué par une utilisation de Twitter ludique et décalé qui a bien fait rigoler ses abonnés. Quelle conclusion tire-t-il de l'expérience?
"C'est quasiment de la création. C'est un art en soi." Il y a un réel défi pour trouver un ton approprié qui ne calque pas le ton du journal. Philippe définit Twitter comme une chambre à la fois publique et intime, un lieu où les gens choisissent d'avoir accès à un autre point de vue sur le travail du journaliste. Mais selon lui, les médias cherchent encore l'équilibre pour bien utiliser ces nouvelles possibilités.
Il constate que face à la fragilité actuelle des médias, on accueille favorablement les nouvelles idées... à condition qu'elles ne coûtent rien (ou presque). L'espace perdu en papier pourrait être investi ailleurs (baladodiffusions, blogues, médias sociaux, etc.), mais il faudra bien trouver une façon pour que ces activités soient convenablement rémunérées.
J'ai quitté le restaurant où nous nous étions donnés rendez-vous, fascinée par cette énergie et cette passion qu'aucune contrainte ne semble entamer. J'ai repensé à cette boutade de Charlebois qui veut que les critiques soient des "ratés sympathiques". Chose certaine, si tous les ratés s'investissaient autant, ça nous ferait une belle société de gens motivés.
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Pour suivre Philippe Papineau:
dans les pages du Devoir
sur CIBL, l'émission FrancoPhil le vendredi à 10h
FrancoPhil le blogue
sur Twitter @FrancoPhil1015
Le mois prochain: Brendan Fraser, critique cinéma et culture francophone pour The Gazette
Métier = Critique est un rendez-vous mensuel avec des artisans de la critique culturelle. Chaque 15 du mois, nous abordons avec un journaliste différents aspects du métier pour mieux en cerner les contours et les défis.
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