Formation: Baccalauréat en enseignement de l'éducation physique
Fait de la critique depuis... 17 ans
Titre: Critique cinéma au Soleil
Citation: "Si t'aimes pas scier des planches, ne devient pas menuiser. Si t'aimes pas écrire, ne fait pas ce métier-là!"
Journaliste depuis près de trente ans au Soleil, c'est il y a un peu plus de quinze ans que Normand Provencher joint sa passion du cinéma et celle de l'écriture pour devenir critique au quotidien de Québec. J'ai profité de mon passage dans la capitale québécoise pour discuter avec lui de son parcours et de l'état de la critique au Québec.
Au commencement, il y avait...
... un enseignant en éducation physique qui avait toujours adoré le cinéma et rêvé de journalisme. C'est à 23 ans, en remportant le concours de journalisme scientifique du Québec (l'ancêtre de la bourse Fernand-Séguin), qu'il met pour la première fois les pieds au Soleil. Il aura la piqûre du journalisme. L'été suivant, en 1984, il retourne travailler comme surnuméraire pour la période estivale. Il n'est plus reparti.
Devenir critique
Quand Léonce Gaudreault a quitté la section cinéma du Soleil en 1995, le poste est offert à Normand. Après une pause de quelques années comme chroniqueur, il revient au cinéma en 2006 et constate, depuis, qu'il ne s'y ennuie pas. Il faut dire qu'en tant que seul critique de cinéma du journal, le boulot ne manque pas. Normand Provencher signe parfois jusqu'à une dizaine de textes par semaine.
Le journaliste admet qu'il a parfois le syndrome de l'imposteur face aux autres critiques, il n'est pourtant pas le seul à ne pas avoir étudié en cinéma et à être, essentiellement, un autodidacte. C'est d'ailleurs le premier critère qu'il nomme quand je lui demande ce que ça prend pour être un bon critique: avoir une bonne culture générale et lire beaucoup sur sa discipline. D'autres critères: la passion et l'écriture de qualité. Ces deux aspects reviendront souvent dans notre échange. Il accorde une grande importance à la qualité de la plume des critiques dans les médias écrits. "Voir des films, oui! Mais j'aime surtout écrire." De la même façon, insistant sur la passion, il soulignera: "On ne peut pas faire ce métier-là parce qu'on aime un peu le cinéma. Il faut en manger..."
L'impact des critiques
Si Normand Provencher estime que les critiques sont des passionnés, il admet qu'il est difficile de mesurer si leur passion est contagieuse auprès du public. Il serait faux de croire que les critiques n'ont aucun impact mais il faut éviter de le surestimer. À son avis, l'impact concerne davantage les productions les plus modestes. "On peut aider des petits films qui ont peu de budget de promotion. À l'inverse, on n'a aucune influence sur les gros films. Les blockbusters, c'est du Teflon face à la critique."
Et qu'en est-il du cinéma québécois? Contrairement à ce qu'on entend souvent dire, Normand ne croit pas que les critiques sont complaisants avec le cinéma d'ici. Peut-être était-ce davantage le cas dans les décennies 1970 ou 1980, mais avec tout ce qui se produit de grande qualité aujourd'hui, il n'y a pas de raison de l'être. Bien sûr le milieu est petit, mais le journaliste avouera avoir gardé des relations cordiales avec plusieurs artistes malgré des critiques parfois virulentes.
S'il y a de la complaisance au Québec, elle se trouve peut-être dans cette tendance de certains médias, particulièrement les médias électroniques, à éliminer la critique au profit de chroniques qui se contentent de faire des compte-rendus. À la télévision, il ne se fait presque plus de critique. "On est loin de l'époque de René-Homier Roy et Chantal Jolis dans À première vue!" C'est aussi presque absent de la radio si on exclut la chronique hebdomadaire de Georges Privet et Helen Faradji à Médium Large. Dans les radios commerciales de Québec, Normand Provencher constate non seulement que la critique artistique n'est pas à l'honneur, mais aussi qu'il n'y en a que pour le cinéma américain. "Ça me met en furie. Ils disent qu'il n'y a pas d'intérêt de la part des auditeurs, mais c'est sûr... ils n'en parlent jamais!"
Critique capitale
Est-ce que le traitement réservé au cinéma dans les radios commerciales dit quelque chose de la place du cinéma dans la capitale? Au contraire, Normand Provencher estime qu'il y a un public cinéphile à Québec et qu'il est même en développement avec les changements socio-démographiques que connaît la ville. Il souligne que l'offre est quand même importante: au mois d'avril, pendant une seule semaine, douze nouveaux films prenaient l'affiche à Québec. C'est une diversité non négligeable quand on tient compte de la population de la région.
Le grand débat à Québec demeure le manque d'écrans consacrés aux films en version originale ou sous-titrée. Le doublage est roi dans la capitale et, régulièrement, les cinéphiles s'en plaignent. Normand Provencher s'est souvent fait leur porte-parole pour exiger plus de films en VOA. Constat: les salles sont vides quand des diffuseurs osent le test. "Les gens disent que c'est ça qu'ils veulent, mais les bottines ne suivent pas les babines..." soupire le critique.
Ce genre de préoccupations dévoile le chroniqueur qui sommeille en Normand Provencher. Au-delà de la critique, c'est l'acte de communication qui l'a toujours intéressé. Pour lui, le cinéma ne peut se contenter d'être un objet de divertissement, il est aussi un phénomène socioculturel qui entraîne son lot de questions. Le rôle du journaliste et du critique est toujours de tendre la main au public pour lui permettre de mieux s'approprier l'oeuvre, le milieu et les débats qu'ils provoquent
"Si j'aime le cinéma, ce n'est certainement pas pour les vedettes..." Et s'il est devenu critique cinéma, ce n'est certainement pas dans le seul objectif de les côtoyer. Il insiste: passion, culture, écriture...
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Le mois prochain: Hugues Corriveau, critique de poésie au Devoir
Métier = Critique est un rendez-vous mensuel avec des artisans de la critique culturelle. Chaque 15 du mois, nous abordons, avec un journaliste, différents aspects du métier pour mieux en cerner les contours et les défis.
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