Formation: Doctorat en éducation à l'Université de Sherbrooke
Fait de la critique depuis... 2001
Titre: Rédacteur en chef du Voir Estrie
Citation: "Je suis un peu solitaire, donc être ami avec tout le monde, ça ne me tente pas vraiment."
J'ai souhaité rencontrer Matthieu Petit, rédacteur en chef du Voir Estrie, après la parution d'une chronique qui portait sur la"sherbrookisation" du journalisme culturel. Attaché à sa région et à sa scène culturelle, Matthieu m'a partagé son point de vue sur le métier et sur la critique en région.
Au commencement...
... il y avait un étudiant en éducation à l'Université de Sherbrooke qui participait activement à la vie médiatique culturelle de sa région. Après la fondation d'un magazine culturel indépendant en 2001 et son implication dans de nombreux événements, Matthieu Petit est embauché au Voir. Sans diplome ni en journalisme, ni en culture, c'est entre autres sa connaissance de la scène locale et régionale qui lui a permis de faire ce saut. Après quatre ans et demi à l'hebdo régional, quel est son point de vue sur la santé de la critique?
La colonne du critique
En choisissant d'aller rencontrer quelqu'un qui fait de la critique à l'extérieur des grands centres, je rencontrais aussi une autre réalité rédactionnelle. "J'aimerais ça, parfois, avoir des pigistes spécialistes dans chaque discipline. J'ai plutôt choisi de demander à mes pigistes d'être polyvalents. Comme ça je peux assurer un minimum de travail à chacun." La réalité de la petite équipe du Voir Estrie, c'est entre autres celle-ci: il faut savoir sortir de sa zone de confort et couvrir des domaines qu'on connaît parfois moins. "Lorsqu'on couvre les arts visuels, on est sans doute plus jovialiste que le serait Nicolas Mavrikakis, par exemple."
Mais le rédacteur en chef confirme qu'ils n'ont pas la réputation d'être complaisants, même avec la production locale, même si ça implique de voir des liens se briser, de créer des mécontents. "Faut être prêt à ne pas se faire aimer, faut avoir de la colonne pour faire ce métier." Le milieu artistique étant déjà considéré petit au Québec, celui d'une région comme l'Estrie l'est encore davantage.
La critique en Estrie
Le défi d'un hebdomadaire comme Voir Estrie est donc de continuer à couvrir la culture différemment des autres médias et en trouvant l'équilibre entre la promotion de ce qui se fait localement et une indépendance critique. Il faut trouver un ton qui ne soit pas complaisant, mais qui ne donne pas non plus dans la démolition."Au début les gens sont fâchés devant des critiques plus négatives. Après, il y a un retour de balancier: la crédibilité s'installe et les gens aiment ça. Il y a une prise de conscience du milieu. Ils ont besoin de la critique: c'est constructif, ça ouvre la porte aux subventions et à la reconnaissance extérieure."
Mais les gens sont fiers de ce qui se fait chez eux et ne comprennent pas toujours que les médias ne se fassent pas la courroie de transmission instantanée de cette fierté. Ce que Matthieu a baptisé la sherbrookisation concerne d'abord cette tendance à voir du Sherbrookois partout, une tendance dont abusent certains attachés de presse et représentants de marketing pour attirer l'attention des médias locaux. L'autre problème, c'est quand la fierté est brandie avant que le produit soit lancé. Le critique rappelle qu'il est toujours dangereux de mettre la charrue avant les boeufs. "Il faut un peu de modestie dans ce domaine. Laisse le loisir à d'autres, aux critiques, d'accoler des qualitificatifs grandioses à ton oeuvre plutôt que de le faire toi-même!"
Matthieu Petit admet que c'est le propre du critique de se faire critiquer à son tour. "Il y a des gens qui me disent que j'aime tout, il y a des gens qui me disent que j'aime rien. Ou on me reproche de parler juste de l'underground, ou juste du mainstream." Il hausse les épaules: si les commentaires se contredisent, c'est peut-être qu'il se situe quelque part entre les deux?
L'universitaire en lui
Matthieu Petit a un doctorat en éducation et est toujours chargé de cours à l'Université de Sherbrooke. Son profil universitaire comme ses connaissances en pédagogie marquent son travail de critique. Ayant enseigné des cours en évaluation pédagogique, il trouve un réel plaisir à l'exercice comparatif de la critique... y compris la détermination de la cote. Je lui souligne qu'il est sans doute le seul critique que je connais à apprécier la cotation par étoiles. "Pour moi, ça veut dire quelque chose de mettre quatre étoiles. Ça dit aux gens qu'ils doivent se déplacer, que c'est un incontournable." Il trouve que l'utilité du processus contrebalance son caractère statique, que ça aide une compréhension rapide et plus claire pour le lecteur.
Il souligne qu'une formation universitaire avancée outille bien pour ce métier parce qu'elle est parsemée d'exercices critiques et qu'elle te pousse à mieux comprendre ce qu'est un argument et une démarche.
Et l'avenir?
Matthieu Petit est confiant pour l'avenir de l'hebdo culturel en région. D'abord, le peu d'intérêt que la radio et la télévision accordent à la culture valorise l'information papier. Ensuite, il souligne que "des fois, on aurait envie de sentir un peu plus de culture... dans la section culturelle de certains médias." En ce sens, la précision du mandat de Voir Estrie et le maintien de son caractère critique, même si c'est par moment une tâche ingrate, lui permettra de maintenir son lectorat et sa crédibilité.
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Pour suivre Matthieu Petit:
La page du Voir Estrie
Sa chronique L'écho des cantons
Sur les ondes de la Première chaîne de Radio-Canada Estrie à Estrie Express
Pour le suivre sur Twitter
Le mois prochain: Aline Apostolska, critique en danse, La Presse
Métier = Critique est un rendez-vous mensuel avec des artisans de la critique culturelle. Chaque 15 du mois, nous abordons avec un journaliste différents aspects du métier pour mieux en cerner les contours et les défis.
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