La cohérence m'obsède. Le plus difficile en ces matières, c'est de garder le cap quand on est en colère ou particulièrement émotif. Quand l'adversaire a recours à des arguments populistes, il faut être d'autant plus attentifs pour ne pas sombrer.
J'ai souri devant l'intérêt manifesté cette semaine pour les bêtises qui se disent, de part et d'autre, dans le mouvement étudiant. Ce soudain intérêt pour une situation qui n'est pas nouvelle a de quoi surprendre. En mon temps, j'ai eu droit à tout cela, y compris le fameux "Nazie!". Pourtant, je votais du "bon bord", comme on dit. Mais j'étais déjà la gauche caviar.
Ceux qui atteignent le point Godwin un peu vite sont minoritaires, mais leur minorité ne nous dispense pas de nous détacher de leur discours où tout ce qui leur déplaît devient fasciste. J'ai répété souvent à ce type de militants qu'ils s'ouvraient le flanc à la critique. Ce genre d'accusations grossières te revient toujours au visage dans la minute.
Encore aujourd'hui, je trouve douloureux de voir des gens de mon "équipe" ouvrir eux-mêmes la voie à la critique. Un manque de cohérence, même s'il est petit, même s'il est passager, peut coûter cher, surtout dans une lutte idéologique. Il me semble de plus en plus clair que nous sommes en lutte idéologique.
Certains trouveront tentant de dire que Krista Erickson et les siens sont des fascistes. Non seulement ce serait bête, mais ce serait leur donner raison. Parce qu'une certaine droite voit des communisssses partout (tel que nous le rappelle cette hallucinante intervention à l'émission de Mario Dumont), soyons plus intelligents et refusons de voir des fascistes partout.
Krista Erickson n'est pas fasciste. Elle est en lutte contre le financement de l'État, particulièrement en ce qui concerne les arts et la culture. C'est là-dessus, et uniquement là-dessus, que nous devons intervenir. Nous pouvons choisir de le faire par la lorgnette économique. Nous pouvons aussi décider d'en faire un combat de valeurs. Mais nous ne devons pas laisser le ton absolument imbuvable de Krista Erickson nous entraîner sur son terrain. La cohérence, c'est refuser de se faire imposer un niveau de discours qui confine au ridicule.
Ce qui m'a frappée dans les réactions suite à la charge de la journaliste contre Monsieur Lazhar, c'est que plusieurs personnes que je respecte au plus haut point, dans les médias sociaux comme dans les médias traditionnels, ont évoqué l'apparence de la journaliste dans leur réplique.
Entendons-nous: je considère que Krista Erickson est une conne de compétition. Et d'une mauvaise foi sans nom. Mais sa connerie n'a rien à voir avec son apparence (son sourire parfait, ses habits BCBG, sa teinture, ses ongles ou le reste). Si Krista Erickson était foncée, petite et un peu ronde avec une coupe de cheveux indéterminée et des lunettes, si elle me ressemblait quoi, elle ne serait pas moins conne.
On peut dire beaucoup de choses quant au rôle que joue l'apparence des femmes qui font de la télévision. Au lancement de Sun News,Nathalie Collard soulignait d'ailleurs qu'il semble y avoir un critère "apparence" dans le choix des journalistes féminines de la chaîne. Cette question ne concerne malheureusement pas que Sun News et n'a pas de lien direct avec le débat que l'on mène en ce moment. Je ne crois même pas que Krista Erickson n'est qu'une belle enveloppe vide. Si c'était le cas, elle ferait moins peur. Krista Erickson est peut-être où elle est, entre autres, parce qu'elle est une magnifique blonde. Mais elle y est surtout pour des questions d'idéologie et parce qu'elle sait prendre le ton que cherchent ses patrons.
Certaines personnes m'ont dit que si la charge est au premier degré, la réponse doit l'être aussi. Je refuse cet argument. Au contraire, il nous faut toujours garder la tête hors de l'eau. Il faut refuser à cette femme le pouvoir de nous entraîner dans l'attaque personnelle, dans le populisme et dans l'hystérie.
Pour moi, être féministe (et cohérente), c'est refuser que l'apparence d'une femme soit associée à ses idées, même si je déteste cette femme. Je pense que si nous voulons gagner cette lutte, il faudra s'assurer d'être plus rigoureux (et cohérents) que nos adversaires. Ça ne nous assure pas la victoire, mais ça nous évite de leur donner des munitions.
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