Formation: Baccalauréat en histoire de l'art
Fait de la critique depuis... 2000
Titre: Critique en arts visuels au Devoir et en cinéma chez Séquences
Citation: "Pour moi l'art et l'appréciation de l'art me permettent de sortir du carcan du marché. C'est un parti pris politique et social! Quand tu vois une oeuvre, tu n'es pas subordonné à aucune partie de notre réseau du capital, notre réseau monétaire, économique... Et, pourtant, tu peux sortir grandi!"
Passionné d'arts visuels, de cinéma et de foot, Jérôme Delgado avait toujours rêvé de devenir journaliste sans pourtant imaginé être critique. Mais la vie a parfois de ces détours...
Au commencement...
... il y avait un adolescent qui, encouragé par sa mère, s'intéressait à l'histoire de l'art en visitant des musées. À 18 ans, après un voyage en Europe au rythme d'une ville et ses musées chaque jour, Jérôme commence à étudier en histoire de l'art. Il collabore aussi au journal étudiant avant de mettre ses ambitions de côté pour aller travailler en communications. C'est une chronique bénévole à CIBL qui lui permet de renouer avec le journalisme (d'abord sportif, ensuite artistique). Une série de hasards et de rencontres permettront à Jérôme de rejoindre La Presse où il fera de la critique d'arts visuels et de cinéma pendant six ans. Depuis, on peut le lire au Devoir dans les pages consacrées aux arts visuels et il collabore à la revue Séquences spécialisée en cinéma.
La critique, à quoi ça sert?
Jérôme Delgado n'hésite pas: dans un média de masse, le rôle de la critique est de débroussailler, de pointer les forces et les faiblesses de ce qui se fait dans un milieu. La critique se doit aussi de travailler à l'encontre des clichés. En arts visuels, il y en a plusieurs.
Le cliché le plus tenace est celui du "beau" puisque pour une partie du public, les arts visuels doivent être agréables à regarder pour valoir le déplacement. Jérôme voit dans son travail une occasion d'expliciter des démarches, d'amener le public à s'interroger sur un autre niveau de sens.
L'autre cliché tenace concerne le fait que la discipline serait trop cérébrale ou compliquée. Selon lui, c'est tout le contraire. L'art contemporain est souvent expérientiel et fait appel à tous les sens. Cet aspect multisensoriel peut rendre difficile la médiatisation des arts visuels, à l'écrit comme à la télévision. Le défi du critique est donc de maîtriser assez son médium pour attiser la curiosité.
Est-ce qu'il a le sentiment de réussir son pari? Il admet que c'est toujours avec fierté qu'il apprend par les galliéristes ou les centres d'artistes que des gens se pointent aux expositions leur journal en main, preuves vivantes que ce travail n'est pas vain.
Quelle place pour les arts visuels?
Pourtant, on entend souvent dire que les arts visuels sont l'un des parents pauvres du milieu de la culture (lui-même déjà bien faible) dans les médias. "C'est sûr qu'il faut toujours se battre pour avoir plus d'espace, plus de visibilité." Ayant dit cela il s'excuse de prêcher pour sa paroisse mais ajoute que c'est toujours difficile de faire valoir une discipline qui a peu de vedettes dans un monde médiatique qui carbure de plus en plus au vedettariat. Jérôme rappelle qu'avant d'écrire son livre, Marc Séguin était déjà un artiste majeur mais que sa carrière impressionnante n'intéressait pas vraiment les médias de masse.
Sans surprise, la situation à la télévision et à la radio lui semble encore plus fragile. "Quand on fait un reportage sur une exposition et qu'on met une petite musique d'ambiance pour accompagner le reportage, c'est déjà déphasé." Il souligne que les médias électroniques s'intéressent presque uniquement aux expositions dans les grands musées, pourtant "les centres d'artistes sont incontournables pour le milieu au Québec. Mais quand voit-on à la télévision un commentaire sur l'une de leurs expos? Jamais."
La fragilité d'un milieu
Très conscient de son époque, Jérôme Delgado apparaît résigné: "Je sais que je suis condamné à être pigiste. Je ne serai jamais engagé comme critique d'arts dans un quotidien."
Parmi les conséquences directes de cette situation, il souligne la difficulté à se déplacer. Pourtant, il lui semble évident que tout bon critique d'arts doit voir ce qui se fait ailleurs, ne serait-ce que pour pouvoir comparer, se nourrir, continuer à apprendre. "Ce n'est pas tant que je voudrais qu'on me paie mon voyage, mais que mes heures de déplacements soient considérées comme des heures de travail." Jérôme admet n'avoir ni les moyens, ni le temps de voyager autant qu'il le voudrait, ne serait-ce qu'à New York ou à Toronto.
Pour lui, tout cela participe du fait que la critique est de moins en moins valorisée comme acte journalistique. On la limite souvent à l'idée qu'il s'agit d'aller voir une exposition (ou un spectacle ou un film) et de produire un papier, comme si ce travail ne nécessitait pas aussi de la recherche et de la préparation. On l'assimile à une activité ludique que n'importe qui peut accomplir.
De l'espoir...?
Malgré ses inquiétudes, Jérôme s'estime chanceux de travailler pour Le Devoir. Il trouve que son employeur reste le média le moins influencé par le règne du spectacle dans la couverture des arts. Il déplore que dans certains médias la critique soit davantage apparentée à un rôle d'agenda culturel. La description d'activités et les conseils de sortie relèguent l'analyse aux oubliettes.
Pourtant, il a la conviction qu'une relève qualifiée existe. "Il y a encore plein de jeunes qui étudient en histoire de l'art. Des jeunes qui savent écrire et qui, pour certains, voudraient faire de la critique." Mais où trouveront-ils l'espace pour le faire comme un métier et non pas comme un hobby? Jérôme s'avoue assez inquiet pour l'avenir.
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Crédits photo: Jean-François Rollinger
Pour suivre Jérôme Delgado:
dans Le Devoir, généralement le samedi
dans la revue Séquences
Le mois prochain: Jean Fugère, chroniqueur littéraire à Radio-Canada
Métier = Critique est un rendez-vous mensuel avec des artisans de la critique culturelle. Chaque 15 du mois, nous abordons avec un journaliste différents aspects du métier pour mieux en cerner les contours et les défis.
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