*Ne pensez pas que je m'anglicise indûment, mais ça sonne si bien. On dirait le titre d'une chanson de George Michael!
Je viens d'une lignée de sorcières. Aucune trace, chez moi, de croyances ésotériques, mais ce sentiment que bien des choses nous échappent. J'explique généralement l'inexplicable par ce sens commun qui veut que nous n'utilisions que 3% de notre cerveau. (Les sens communs sont merveilleux quand ils font notre affaire.) Je suis fascinée par des phénomènes comme l'anticipation et la télépathie, par exemple et il me semble, parfois, avoir une capacité particulière pour lire derrière une première couche d'apparences.
Contrairement à bien des sorcières, je crois que le hasard existe. Mais j'ai du mal avec une vision binaire qui opposerait hasard et destin, parce qu'il me semble qu'une partie importante de nos décisions et de nos actions reposent sur des facteurs inconscients. L'intuition par exemple, n'a rien pour moi d'ésotérique. C'est une forme d'intelligence qui s'appuie sur les sens et qui s'exprime autrement que par l'intelligence logique. De la même façon, ce qu'on appelle les patterns ne relèvent ni du hasard, ni d'une force surnaturelle, mais de notre tendance à aller vers le même type de gens et à développer le même type de relations, parfois nocives.
Plus jeune, j'étais plus souvent confrontée à des "hasards" étonnants, des histoires de sorcière. D'immenses intuitions, des "prémonitions", des connexions très fortes avec d'autres personnes qui hantaient mes rêves d'une façon dérangeante.
C'est le souvenir de ces gens avec qui le contact semble trop intense qui me pousse vers la notion d'âmes soeurs. Dans Café de flore (dont j'ai longuement parlé plus tôt cet automne) le personnage d'Antoine s'interroge sur les âmes soeurs: "Si c'est l'âme soeur, c'est pas supposé mourir? C'est pas supposé arriver deux fois dans une vie?"
Comme Antoine, je le trouve beau ce concept. J'aurais voulu, moi aussi, croire en l'amour pour la vie. Mais ce qui m'intéresse surtout dans la notion d'âme soeur... c'est l'âme. Pour moi, ce concept n'a rien d'érotique en soi, donc rien d'amoureux (dans le sens couple ou copulation du terme). L'âme soeur n'a donc rien d'exclusif... et rien d'éternel non plus. (Vous me direz, se faisant, que ça n'a plus rien à voir avec l'âme soeur et que je pourrais appeler ça autrement... et vous n'auriez pas tort.)
Quand j'entends parler d'âme soeur, je pense à des gens qui sont passés dans ma vie et avec qui la relation avait tout à voir avec la rencontre de l'âme, justement. C'est difficile à définir, mais ça se situe dans un espace d'intimité, de complicité, qui ne concerne pas la cérébralité. Ce sont des rencontres intuitives.
La sorcière en moi lit à l'intérieur de certaines personnes. Comme si le pipeline de communication était grand ouvert, sans péage, sans filtre. Ça ne veut pas dire que je comprends tout de ces gens-là, mais j'entends d'eux quelque chose qui est en-dessous du discours. Comme si je les connaissais avant de les connaître, si j'avais accès à l'intertexte avant de lire le texte. Je reçois quelque chose qu'ils ne veulent pas nécessairement me donner. (Et parfois dans mes rêves, oui.)
Il est évidemment tentant d'y voir une invitation à former quelque chose comme un couple en parfaite symbiose. Pour être honnête, je n'y crois pas. Je vois la création de cet espace de communion presque spirituel, désincarné, comme un réinvestissement d'énergie qui, à défaut d'être érotique, atteint une intensité extrême sur un autre plan. Un coup de foudre sans sueur. Un coït de l'âme.
Pour moi, l'âme soeur est donc un territoire du confort, un territoire de la confiance, un territoire du cocon... Ce que n'est pas toujours la passion érotique, n'est-ce pas? Il y a quelque chose du don de soi dans ces relations que supporte mal le sentiment amoureux dont le premier réflexe est souvent de se ronger le sang en attente d'exclusivité.
Ce texte ne se voulait surtout pas une théorie scientifique, plutôt le polaroïd d'un sentiment récurrent face à certaines relations qui ne trouvent pas de définition précise malgré leur troublante intensité. En le relisant je constate qu'il contient en 700 mots l'essentiel de mes névroses et de mes faux-fuyants. Ça intéressera certains psys!
Mais bon, il parle de sorcière et ce sera ma seule contribution à l'Halloween. C'est déjà ça de pris.
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