Journée sans maquillage. Sur le coup, je dis oui. C'est important qu'on se rappelle qu'on est belle sans "tous ces artifices". Que toutes les femmes ont leurs complexes. (Me souviens bien de cette entrevue avec Claudia Schiffer où elle expliquait avoir ses complexes: son gros orteil était pas mal gros. Ça m'a vachement aidé dans mon cheminement adolescent...)
Je dis oui. Après tout, je ne suis pas trop pitoune dans mon genre et je trouve ça révoltant qu'on soit aliénée à des instruments de beauté.
Bon, on se demande un peu que veut dire "au naturel" quand on lit "... elles ont accepté de faire la rencontre d'un homme, un inconnu, devant la caméra, sans mascara. Au naturel, quoi." Est-ce que le mascara tue plus le naturel d'une femme qu'une caméra?
Je dis oui donc, mais je me rends compte que je fais mon petit rituel du matin avec au coeur une grande tristesse. Une lourdeur. Je dis oui, mais j'ai envie de dire non. Je me suis regardée dans le miroir: "Est-ce que je peux sortir sans fond de teint?" Non, je ne peux pas. Je ne suis pas capable. Pour des raisons qui sont les miennes. Parce que oui, j'ai des choses à cacher. (J'aurais pu me passer du mascara, mais pourquoi? En solidarité avec qui?)
En disant non, je me sens sale, je me sens indigne de mon étiquette de femme libérée. Voilà! Je suis une maudite aliénée au fond de teint. C'est qu'un jour j'ai eu l'impression que si les gens vous prennent comme vous êtes, ça ne les empêche pas de vous regarder un peu de travers si vous avez quelque chose qui ne roule pas tout à fait rond. Alors j'ai décidé que le fond de teint était le moindre des maux, si ça me permettait d'éviter certains regards et quiproquos.
Ensuite, j'ai pensé à l'été. Qui dit été dit party de piscine. J'ai pensé que je devrais me taper encore une fois ces partys où je ne me baignerai pas. Et où des gens se permettront d'insister, convaincus que c'est parce que je me trouve grosse. J'aurai droit à tous les discours sur l'amour de soi. Je sourirai bêtement, en me rappelant de caller malade la prochaine fois.
Même si c'était parce que je me trouve grosse que je refuse d'être en maillot de bain, au nom de quoi ça concerne quelqu'un d'autre que moi (et mon thérapeute admettons). Au nom de quoi mon rapport à mon corps est un objet banal de discussion, comme si on n'était pas en train de marcher sur le pied de mon intimité? Au nom de quoi on me fait la leçon? Au nom du sens commun: tout le monde sait que c'est par l'amour de soi qu'on s'épanouit dans la vie. Et les gens veulent mon bien. Malgré moi, parfois.
Et après, j'ai pensé à ces femmes qui décident de ne pas allaiter. Peu importe leurs raisons. À ces femmes qui refusent la pression du milieu, de la famille, du système de santé. La pression publique qui, pour le bien de leur enfant, veut leur imposer, avec leur corps, un comportement. (Et comprenez-moi, je rêve d'allaiter un jour... Mais qui suis-je exactement pour juger une femme qui ne se sent pas capable ou qui n'en a pas envie?) J'ai pensé à ces femmes et je me suis demandé si j'avais rêvé ou si on s'était bien battue, toutes ces années, pour avoir la liberté de faire ce qu'on veut de nos corps.
À quel moment avons-nous commencé à faire de tout combat un agrégé de culpabilisation pour l'individu (fumeur, gros, maquillé, propriétaire d'une voiture, etc.)? Au moment, je suppose, où l'analyse des phénomènes collectifs c'est intéressé davantage à la psychopop qu'à la sociologie. La psychopop, par nature, crée recette et catégorie. Dans ce cas l'équation est simple: maquillage = artificialité.
Ne vous méprenez pas, je comprends bien que cette journée sans maquillage vise à remettre en question un modèle standardisé de la femme. Mais pourquoi il faut un standard pour répondre au standard? Pourquoi, notre seule réponse aux rangs serrés de la société, c'est de se placer en rang... en sens opposé?
Allez brebis, pour bien signifier qu'on en a marre de se faire bourrer le crâne, on va se teindre en noir. Toutes en même temps!
Être féministe c'est vouloir être libre. La liberté c'est avoir le choix. Si on est obligée ce n'est ni la liberté ni mon idée du féminisme (en passant aujourd'hui je me suis maquillée !!!!
Rédigé par : Marie-Claire | 08/06/2011 à 22:34
Wow, vous m'enlevez les mots du clavier!
Rédigé par : Anne-Marie Beaudoin-Bégin | 09/06/2011 à 08:18
Bien d'accord avec cette "vraie" libération qui me fait d'ailleurs penser à ce que je me suis fait dire adolescente : Quand tu te révoltes vis à vis l'autorité c'est que tu en es justement pas libéré, puisque tu réagis vivement à ..." Disons que ça fait mal aux élans exutoires d'une adolescente, mais ça fait réfléchir. Ensuite, mûrir.
Pour le maquillage, juste pour badiner comme ça, et parler de moi (!) je me suis maquillée dans ma vie, les seules années où j'étais sur le marché de la séduction, que j'évalue à environ 3 ans sur 57. Depuis que je n'y suis pas, je me maquille quand on m'y oblige (tournages) ou quand une fantaisie me prend, juste pour voir, comme on se fait une poule au pot, une fois de temps en temps.
Sinon, ma peau respire le bonheur, sans couche ou beurre noir avec lesquels je finis par me barbouiller tellement j'oublie l'existence du mascara sur mes cils ! Quand je serai grande ... euh, ... vieille, je serai ridée, fripée, les paupières tombantes, les bajoues molles, mais mon homme m'aimera quand même. Si j'étais sur le marché de la séduction, il est possible que j'agirais autrement. Mais je n'en suis plus sûre.
Rédigé par : Venise | 09/06/2011 à 12:50